samedi 29 juin 2019

La sélection du trimestre

Deuxième sélection de l'année, qui peine un peu à démarrer mais se rattrape sur les deux derniers mois avec des hits attendus, comme les suites de Scott Pilgrim, Tarzan ou Hillbilly pour ne citer qu'elles, des bombes assez prévisibles, Les Petites Faveurs ou The Magic Order en tête, et des petites surprises comme Joyride ou Miss Fury, qui ne bénéficient ni d'auteurs particulièrement "bankables", ni d'une grande publicité, mais qui font le job et plus que bien, avec ça.

LA SELECTION, DONC
    HILLBILLY tome 3, sorti le 26 juin chez Delcourt (contient Hillbilly 9 à 12, publié par Albatross Exploding Funny Books)
par Eric POWELL                                        note : 4
Maîtrisant enfin son pouvoir ancestral, James Stoneturner réunit Rondel le Vagabond et les autres âmes de bonne volonté pour mener la lutte finale contre les sorcières qui ont elles aussi uni leurs forces. Mais sans l'aide des villageois, le petit groupe n'a aucune chance de triompher de la horde sanguinaire. Spectaculaire, l'ultime arche narrative de la série d'Eric Powell l'est à plus d'un titre. Tout d'abord parce que les dessins de l'artistes sont à la fois puissants et graciles, ses personnages tortueux débordant de charisme, mais aussi et surtout parce qu'il conclut son récit par un combat apocalyptique.

    HIT-GIRL tome 3, sorti le 10 avril chez Panini (contient Hit-Girl volume*2 9 à 12, publié par Millarworld)
par Rafael ALBUQUERQUE et Rafael SCAVONE au scénario, Rafael ALBUQUERQUE au dessin    note : 4
En traquant la cambrioleuse surnommé La Gatta, Hit-Girl s'est retrouvée embarquée de force à Rome. Elle finit par y dénicher les commanditaires de la voleuse : l'ordre de Saint Pietoso, un clan mafieux tenu par la Donna Giustina Malvolia. La vieille religieuse n'a rien d'une sainte, et elle est entourée d'une foule de criminels. Comment l'irrévérencieuse anti-héroïne de Mark Millar pouvait-elle éviter de se confronter à un dogme perverti ? Forcément iconoclaste, le récit de Rafael Scavone et Rafael Albuquerque est efficace, tant grâce à ses personnages outranciers qu'aux dessins réalistes de l'artiste.

    INVINCIBLE tome 24, sorti le 19 juin chez Delcourt (contient Invincible 133 à 138, publié par Skybound Entertainment)
par Robert KIRKMAN au scénario et Ryan OTTLEY au dessin                    note : 4,5
En tuant Oliver, Thragg a déclenché l'ultime guerre entre le nouvel empire de Viltrum et la Coalition. Ni Invincible ni Atom Eve ne retiendront jamais plus leurs coups, et ils peuvent compter non seulement sur leurs alliés de toujours, mais également sur les Viltrumites restés fidèles à Nolan. L'ultime arche narrative de la série de Robert Kirkman donne bien évidemment dans le grand spectacle. Les enjeux sont énormes, les coups de théâtre retentissants et l'auteur semble prêt à tous les sacrifices. Au dessin, Ryan Ottley laisse exploser toute la rage des violentes scènes d'action.

    JAMES BOND tome 5, sorti le 9 mai chez Delcourt (contient James Bond : Black Box 1 à 6, publié par Dynamite Entertainment)
par Benjamin PERCY au scénario et Rapha LOBOSCO au dessin                note : 4
Chargé d'abattre l'assassin Andre Moreau, James Bond est devancé par une redoutable espionne qu'il retrouve ensuite à Tokyo, en plein coeur de l'opération Black Box, qui vise à démanteler le réseau de Saga Genji, qui menace de divulguer les informations personnelles obtenues en piratant les serveurs du monde entier. Quoique simple, le trait fluide et élégant de Rapha Lobosco convient parfaitement à l'aventure imaginée par Benjamin Percy, qui respecte scrupuleusement les marqueurs de la saga d'espionnage de Ian Fleming telle que transposée au cinéma : personnages charismatiques, grandes scènes d'action et petits secrets sont au programme.

    JOYRIDE, sorti le 17 avril chez Glénat (contient Joyride 1 à 12, publié par Boom ! Studios)
par Collin KELLY et Jackson LANZING au scénario, Marcus TO au dessin            note : 4
Uma Akkolyte et Dewydd Abderizai ont décidé de quitter la Terre pour visiter l'espace. Poursuivis par une jeune recrue du Valhalla Fasciste, ils sont embarqués avec elle dans un vaisseau dont ils vont rapidement prendre le contrôle. A son bord, le trio découvre les merveilles et les dangers de l'univers. Enthousiasmante, la saga imaginée par Jackson Lanzing et Collin Kelly enchaîne les péripéties et s'appuie sur un savoureux, quoique très prévisible, trio de personnages principaux. La partie graphique a été confiée à Marcus To, et c'est une belle réussite, l'artiste ayant affiné son trait.

    The MAGIC ORDER, sorti le 2 mai chez Panini (contient The Magic Order 1 à 6, publié par Netflix Studios, LLC)
par Mark MILLAR au scénario et Olivier COIPEL au dessin                    note : 4,5
Leonard Moonstone fait partie de l'ordre des magiciens, au même titre que ses enfants, Regan, Cordelia et Gabriel. Le jour où l'un de leurs cousins, lui aussi gardien de l'humanité, est assassiné, leurs soupçons se portent sur Madame Albany et son gang de sorciers malsains. Mais Gabriel a renié son ancienne vie depuis l'accident qui a coûté la vie à sa fille, et il ne veut pas être mêlé à la guerre qui se profile... On aurait pu trouver son déroulé cousu de fil blanc, et cela ne l'aurait pas empêchée d'être un bon divertissement. Mais la nouvelle mini-série de Mark Millar repose sur deux rebondissements assez spectaculaires, qui en font une excellente lecture, au même titre que les dessins toujours aussi gracieux d'Olivier Coipel.

    MISS FURY tome 1, sorti le 10 juin chez Graph Zeppelin (contient Miss Fury volume*3 1 à 5, publié par Dynamite Entertainment)
par Corinna BECHKO au scénario et Jonathan LAU au dessin                note : 4
En 1942, le bureau d'ingénieur de Marla Drake est cambriolé par des petites frappes, et les plans d'un bateau destiné à l'armée américaine sont volés. Le lendemain, elle découvre, sous son identité secrète de Miss Fury, le navire déjà construit et utilisé en tant que lieu de rassemblement d'un culte masqué... Corinna Bechko s'empare de la destinée de la célèbre justicière pour la confronter à une menace surnaturelle qui lui sied plutôt bien, en dépit de son manque d'expérience en la matière. Au dessin, Jonathan Lau est assez agréable, mais on aurait apprécié un peu plus de sensualité dans le trait.

    Les PETITES FAVEURS, sorti le 24 avril chez Glénat (contient Small Favors OS*, publié par Limerence Press)
par Colleen COOVER                                    note : 4,5
Nibbil est devenue la conscience attitrée d'Annie. Au départ, l'idée était pour sa patronne d'empêcher la jeune femme de donner libre cours à ses fantasmes les plus excessifs, mais il se trouve que la petite fée est tout de suite tombée amoureuse de celle qu'elle chaperonne, et elle est au moins aussi délurée. Colleen Coover se lâche complètement à l'occasion de cette mini-série parue originellement chez Fantagraphics Books puis compilée en recueil bien plus tard par Oni Press. La pornographie se pare d'une joyeuse absurdité dans cette jolie histoire d'amour saphique au dessin très doux.

    PAPER GIRLS tome 5, sorti le 17 mai chez Urban (contient Paper Girls 21 à 25, publié par Image Comics)
par Brian K. VAUGHAN au scénario et Cliff CHIANG au dessin                note : 4
Coyle MacKenzie, Erin Tieng, K.J. et les deux Tiffany Quilkin sont désormais dans le Cleveland du futur, au coeur même de la civilisation dirigée par Jahpo Thapa, le fils de Wari. Mac y cherche un remède à son cancer, tandis que les autres jeunes femmes tentent de trouver un moyen de regagner leur époque. Plongeant ses héroïnes dans la tannière de l'ours, Brian Vaughan leur fait vivre d'intenses péripéties et accélère la cadence en vue de son ultime arche narrative qui sera, on n'en doute plus, spectaculaire. Au dessin, Cliff Chiang semble se régaler sur des designs futuristes au style minimaliste.

    SCOTT PILGRIM tome 2, sorti le 19 juin chez Hi Comics (contient Scott Pilgrim 3 & 4, publié par Oni Press)
par Brian Lee O'MALLEY                                    note : 4
Chacun des Ex-Fiancés Maléfiques de Ramona Flowers est plus redoutable que le précédent, mais Scott Pilgrim ne se laisse pas démonter, et il enchaîne les combats tout en menant de front une carrière plus ou moins satisfaisante de musicien et une relation qui vire au beau fixe. Les gros pavés qui sortent en ce moment chez Hi Comics reprennent les tomes colorisés de la cultissime série de Brian Lee O'Malley, et représentent de fait le graal pour l'amateur d'univers un peu geeks et bien barrés. L'auteur multiplie les délires et son style, inspiré de l'univers manga, fait mouche.

    SEVEN to ETERNITY tome 3, sorti le 31 mai chez Urban (contient Seven to Eternity 10 à 13, publié par Giant Generator)
par Rick REMENDER au scénario et Jerome OPENA au dessin                    note : 4
Adam Osidis a préféré trahir les chevaliers Mozak et écouter la proposition du Maître des Murmures. Il est dès lors devenu l'un de ses suivants, et lorsque Garils Sulm est kidnappé par les pirates des airs de son fils illégitime, Volmer, il va devoir prendre d'assaut la cité volante de Skod pour le sauver. Après un léger passage à vide, la série de Rick Remender revient en grande forme le temps d'une arche narrative forte en personnages charismatiques et en situations spectaculaires, que Jerome Opena se charge de mettre en images de manière toujours aussi impressionnante.

    SLOTS, sorti le 22 mai chez Delcourt (contient Slots 1 à 6, publié par Skybound Entertainment)
par Dan PANOSIAN                                    note : 4
Pour empêcher l'abominable patron de casino Les, qui est aussi son ancien meilleur ami, accessoirement, de ruiner la charmante Betsy en volant la star de son show, Stanley Dance remonte sur le ring et envisage de parier gros sur ses propres combats. Il va croiser la route de son fils, lui aussi boxeur professionnel. En dépit de son look définitivement seventies, principalement dû à la colorisation qui imite ce qui se faisait durant cette décennie, la mini-série de Dan Panosian est plutôt novatrice. Clairement inspiré par la saga Ocean's Eleven, le récit est plein de rebondissements et très agréable à l'oeil.

ET LE GLOSSAIRE
* OS : one-shot, récit auto-contenu
* VOLUME : numéro d'identifiant d'une série

jeudi 27 juin 2019

It All Ended with the Big Bang

The Big Bang Theory
année de parution : 2007 à 2019
trouvable à l'heure actuelle en : coffret DVD et blu-ray saisons 1à 11
featuring : Jim Parsons (Sheldon Cooper), Johnny Galecki (Leonard Hofstadter), Kaley Cuoco (Penny), Simon Helberg (Howard Wolowitz), Kunal Nayyar (Rajesh Koothrappali), Melissa Rauch (Bernadette Rostenkowski) et Mayim Bialik (Amy Farrah Fowler) entre autres

Le mois dernier s'est achevée l'ultime saison de la sitcom The Big Bang Theory, et c'est avec un certain regret que nous quittons Sheldon Cooper et ses amis, même si un spin-off consacré à l'enfance du petit génie a d'ores et déjà pris le relais. En France, la série de Chuck Lorre et Bill Prady a connu une diffusion compliquée, d'abord sur feue la chaîne TPS Star puis sur pas-feue-mais-pas-en-forme NRJ12, la chaîne des puceaux, puis sur pas-feue-mais-personne-ne-l-a Canal + Séries, puis sur pas-feu-mais-personne-ne-la-regarde Game One. Autant dire qu'elle n'a pas eu de chance...
Pourtant, les courts (à peu près vingt minutes) épisodes de ce Friends pour nerds ont de quoi convaincre. Ils s'articulent tout d'abord autour d'un quatuor de scientifiques : Sheldon, génie autiste expert en physique théorique, son meilleur ami et colocataire Leonard, doctorant en physique appliquée, Rajesh, astrophysicien originaire d'Inde, et Howard, qui n'est "qu'ingénieur", ce qui en fait l'objet de toutes les moqueries de la part de Sheldon. Ces quatre-là sont inséparables, et quand ils ne sont pas plongés dans leurs expérimentations scientifiques, ils s'adonnent à tout un tas de passe-temps que l'on qualifierait volontiers de geeks : comics, jeux vidéo, séries... Ca vous étonne que j'accroche autant ?
Oui mais voilà : il faut bien qu'une intrigue, même minimaliste, se crée, et le point de départ du changement de status quo est l'arrivée d'une nouvelle voisine, la séduisante Penny, une blonde écervelée qui ne sait pas différencier Superman de Spider-Man (sisi, c'est possible). Et pourtant, Leonard va passer une bonne partie des premières saisons à rêver qu'elle s'intéresse à lui. Si ça vous rappelle une certaine Rachel et la manière qu'elle a eu de bousculer le petit groupe d'amis qui se réunissait au Central Perk, c'est normal : The Big Bang Theory, c'est une copie-carbone de Friends, mais avec des vannes qui, pour moitié, ridiculisent le manque d'empathie des scientifiques, et pour l'autre moitié, ridiculisent la déconnexion de la réalité des otakus de tous poils.
En fait, le trait est volontairement grossier, le but étant d'enquiller une blagounette à la minute, mais on sent malgré tout une certaine tendresse des producteurs envers ces personnages. Ils sont parfois pathétiques, et on a un peu honte de leur ressembler ne serait-ce qu'un peu, mais ils sont aussi capable d'évoluer vers plus d'humanité, y compris la tête d'affiche qui, au départ, est avant tout une tête à claque. Mais surtout, on n'attend pas dix saisons pour que Ross et Rachel s'attrapent : dès la deuxième saison, Penny et Leonard se rapprochent, et même si leur relation est elle aussi compliquée, on peut dire qu'ils sont ensemble dès la troisième saison.
C'est peut-être parce que le fil rouge, ce n'est pas leur couple. En tout cas, ce n'est pas que lui. C'est aussi, dans une moindre mesure, l'évolution de Raj, qui au départ est incapable d'articuler le moindre mot lorsqu'une fille est dans la même pièce que lui, et d'Howard, qui semble de prime abord être un sâle con qui restera seul toute sa vie. Mais c'est aussi et surtout Sheldon que l'on suit. Sheldon que l'on croirait atteint du syndrome d'Asperger, même si ce n'est jamais réellement confirmé dans la série, mais qui suit une progression constante, sous la houlette de l'étrange Amy Farrah Fowler qui est tombé amoureuse de lui sans que l'on comprenne ce qu'elle lui trouve.
Et puis bien entendu, on se régale de situations incongrues portées soit par le boulot de tout ce petit monde, soit par leurs bizarres hobbies. Des univers parfois poreux, qui se mélangent notamment lorsque les quatre garçons dans le vent décident d'importer leurs délires dans leur taf. Et qui impliquent l'apparition de stars de tout ordre : on croise ainsi la route du regretté Stephen Hawking, de Bill Gates ou de Buzz Aldrin, mais aussi celle de Wil Wheaton et LeVar Burton (Wesley Crusher et Geordi La Forge dans Star Trek : the Next Generation), Carrie Fisher et Mark Hamill (Leia et Luke de Star Wars), Ellen DeGeneres ou encore Stan Lee ! Et tous n'ont pas le beau rôle, loin s'en faut !
Cast resserré épaulé par des guests de tous horizons, rythme nerveux, personnages attachants et un générique qui reste presque aussi longtemps dans la tête que la désormais cultissime chanson des Rembrandts... Non, vraiment, ça vaut la peine de trouver un bon site de streaming.