samedi 24 février 2018

Le sorcier qui voulait se faire aussi gros que le boeuf

Non, ce n'est pas le titre d'une fable moderne, mais un nouvel instant VO qui va parler d'un petit éditeur, assez méconnu en France et qui, pourtant, a vu son catalogue partiellement traduit de ce côté-ci de l'Atlantique. Encore une fois, l'article sera assez court puisque l'éditeur en question n'a même pas atteint la demi-douzaine de séries, mais on le sait, qualité n'est pas forcément synonyme de quantité.


L'INSTANT VO (What else ?)
Fils de propriétaire d'un comic shop, Gareb Shamus travaille au magasin pendant ses études, et il écrit notamment un petit fanzine qu'il baptise Wizard : le Guide des Comics. Le succès aidant, Wizard devient un véritable magazine mensuel en 1991, et dès l'année suivante, il est distribué dans plusieurs pays ! Au fil du temps, il devient la référence en la matière et toute une gamme de bouquins, sur les jouets ou d'autres produits dérivés, sont produits par Wizard Entertainment.

En 1997, la société devenue prospère rachète rien moins que le Chicago ComiCon, l'une des plus grosses conventions de comics des Etats-Unis. Shamus veut se diversifier et prendre du poids sur le marché. Alors forcément, à l'orée des années 2000, c'est vers l'édition qu'il se tourne. Il fonde Black Bull Entertainment, et s'entoure de quelques stars du medium pour lancer sa propre gamme de comics.

Tout commence avec Gate Crasher : Ring of Fire, une mini-série mêlant science-fiction et comédie sentimentale. De belles fées se sont penchées sur son berceau, puisqu'on trouve au générique des noms aussi prestigieux que Mark Waid, Amanda Conner et Jimmy Palmiotti. Le succès est là, et dans la foulée, un deuxième volume est lancé. Ce devait à la base être une série régulière, mais finalement, ce ne sera qu'une nouvelle mini-série en six épisodes. Un troisième volume est tout de même annoncé, mais il ne verra pas le jour.
L'année suivante, Just a Pilgrim débarque dans les rayonnages, avec encore une fois un casting alléchant : Garth Ennis au scénario, Carlos Ezquerra au dessin, pour veiller au destin d'un croisement du Preacher et du Punisher dans un monde post-apocalyptique. La première mini-série sera là encore suivie d'une deuxième, Garden of Eden, mais les projets pour le personnage s'arrêtent là. Dommage, car il avait un joli potentiel, et ces deux aventures, bien qu'un peu gores par moments, sont plutôt efficaces.
Moins en vue, mais aussi moins aboutie, la mini-série Shadow Reavers s'appuie sur des noms moins prestigieux. Certes, Pat McCallum est devenu un éditeur de renommée - pas forcément bonne, du reste - chez DC Comics, mais à l'époque, il n'est pas vraiment un scénariste reconnu, pas plus que son co-pilote, Mike Searle. Le seul à avoir un minimum de poids, c'est le dessinateur, Nelson DeCastro. Et encore, il faut être un tant soit peu versé dans le sujet pour en avoir entendu parler. De toute façon, qu'importe : la mini-série est mal fichue, et elle ne donne pas envie d'une suite, même si cette dernière était en préparation.
Finalement, c'est le duo Jimmy Palmiotti - Phil Noto qui complète le catalogue de Black Bull. Connus sans être des stars, ces deux-là travaillent souvent ensemble, et ils accouchent pour la filiale de Wizard Entertainment, de deux mini-séries sans grande envergure. Beautiful Killer raconte, en trois épisodes, la vengeance d'une tueuse albinos envers ceux qui ont tué ses parents, tandis que The New West se contente de deux numéros pour développer son intrigue policière sur fond de panne globale d'électricité.
La particularité de ce dernier récit, c'est qu'il sort en mai 2005, soit deux ans et demi après le précédent comics publié par Black Bull. Le fait est que la maison d'édition ne représente qu'une toute petite partie du chiffre d'affaires du mastodonte Wizard, et Shamus ne s'en occupe qu'en dilettante. Avec un tel potentiel, il est regrettable que la structure ait été laissée à vau-l'eau, parce qu'à posteriori, on se dit qu'elle aurait pu représenter plus qu'une simple goutte d'eau dans l'océan des sorties mensuelles.
Toujours est-il que deux ans après la fin de l'aventure, Shamus est débarqué de son poste de PD-G, sans doute pour sa mauvaise gestion globale du groupe. En France, c'est d'abord SEMIC qui s'est penché sur l'éditeur, en publiant la première série Gate Crasher en deux magazines, puis les deux mini-séries Just a Pilgrim dans la collection SEMIC Books. Quelques années plus tard, Bamboo a édité les deux mini-séries de Palmiotti et Noto sous son label Angle Comics. A noter que je n'ai pas lu, car pas trouvé, quelques comics du studio : 
- en fait, ce sont les Previews de la plupart des mini-séries, mais si j'en crois celui que j'ai lu, il ne s'agit que de quelques planches en noir et blanc chargées de présenter lesdites séries. Rien d'important, donc.

Le bilan : 
A lire de toute urgence
Gate Crasher : Ring of Fire (mars 2000, 4 épisodes)
Paru en VF chez SEMIC en deux magazines
scénario : Jimmy PALMIOTTI et Mark WAID
dessin : Amanda CONNER
En tant que membre du Gate Crasher, l'organisation secrète qui traque les Gekos infiltrés sur Terre, Alec Wagner doit cacher sa double vie à son entourage, y compris à sa petite amie. Les extraterrestres sont sur le point d'envahir la planète, et la vie sentimentale du héros n'en ressortira pas indemne. Certes, Mark Waid - aidé pour l'occasion par Jimmy Palmiotti - utilise d'énormes ficelles lorsqu'il s'agit de mettre au point la toute première série de Black Bull Entertainment. Mais son récit est jubilatoire, et les fabuleux dessins cartoony d'Amanda Conner le rendent inoubliable.

Gate Crasher volume 2 (aout 2000, 6 épisodes)
scénario : Jimmy PALMIOTTI et Mark WAID
dessin : Amanda CONNER et Nelson DeCASTRO
Alec Wagner est désormais le seul membre du Split-Second Squad à pouvoir détecter les portails d'invasion des Gekos. A la suite d'une erreur, il perd l'un des membres de son équipe, et son coéquipier lui en tient rigueur, au point de s'allier avec Solen Cagliar pour le lui faire payer. La deuxième mini-série de Mark Waid, toujours épaulé par Jimmy Palmiotti, est au moins aussi truculente que la première, mais elle se conclut sur une fin ouverte qui laissait à prévoir une suite, qui n'aura jamais lieu. En revanche, on se consolera avec les dessins, toujours somptueux, d'Amanda Conner.

A feuilleter à l'occasion
Just a Pilgrim (mai 2001, 5 épisodes)
Paru en VF chez SEMIC dans la collection SEMIC Books
scénario : Garth ENNIS
dessin : Carlos EZQUERRA
Prêcheur solitaire aux méthodes particulièrement expéditives, le Pélerin parcourt le désert d'un futur post-apocalyptique, où il croise la route d'une bande de pirates des sables qui menacent la vie d'innocents, et qui vont donc devenir la cible de sa divine colère. La signature de Garth Ennis chez Black Bull représentait une belle promesse. Pourtant, l'électron libre se contente de recycler son Punisher, en le plaçant dans un nouveau contexte. La série demeure plaisante, notamment grâce aux dessins de Carlos Ezquerra, mais sans grande innovation.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire