samedi 20 octobre 2018

Mais où est Stan Lee ? ou les comics Marvel au cinéma

Première partie : les difficiles débuts

Depuis le premier film basé sur la licence X-Men, les personnages de Marvel Comics se sont imposés au cinéma. Là où, précédemment, c'était surtout la Distinguée Concurrence qui s'était installée, avec notamment la trilogie Superman puis les Batman de Tim Burton et de ses successeurs. Mais l'aventure hollywoodienne des héros de la Maison des Idées, ça date en réalité de bien avant. Petit tour d'horizon.

Dès le début du vingtième siècle, les sérials font les beaux jours des cinémas. Ces petits films feuilletonnants sont à suivre une fois par semaine dans les salles obscures. D'abord muets, ils gagnent assez rapidement la parole, et le genre super-héroïque ne leur échappe pas longtemps. Mandrake, Batman, Superman... En 1944, Captain America est la première adaptation d'un personnage de Timely Comics, l'éditeur qui deviendra Marvel par la suite.
On peut raisonnablement parler d'adaptation libre, puisqu'ici, ce bon vieux Cap' a pour identité secrète celle du district attorney (en gros, procureur, mais à un petit échelon) Grant Gardner, et quand il enfile le costume aux couleurs du drapeau américain, le spandex moule des abdos-bière proéminents. Un costume complété par de jolies chaussures vernies, et si le héros n'a pas de bouclier, il est armé d'un flingue dont il n'hésite pas à se servir ! Et point de super-serum, ni de nazis, du reste, alors qu'à l'époque, le comics en était farci.
En quinze épisodes d'une vingtaine de minutes chacun, Captain America, joué par Dick Purcell, affronte le Scarabée, un archéologue maléfique qui pousse ses pairs au suicide après les avoir dépouillés, et qui, à ma connaissance, est une invention des producteurs. Son identité est connue quasiment dès le début, ce qui est une rareté chez Republic Pictures. Le studio s'était fait une spécialité, en effet, de ne dévoiler son badass qu'en toute fin de sérial, en le démasquant façon Scooby-Doo !

On l'aura compris, le résultat est décevant pour Timely, et comme les sérials du samedi deviennent vite de l'histoire ancienne (sans compter que le milieu du comic-book est en pleine débâcle suite à la création de la commission de censure appelée Comics Code Authority), l'aventure n'est pas prête de se reproduire. Dans les années cinquante, le genre est quasiment à l'abandon à l'exception d'un premier film sur l'Homme d'Acier servant de pilote à la série télévisée Adventures of Superman. Durant la décennie suivante, c'est Batman, avec Adam West dans le rôle-titre, qui sert de seule tête d'affiche au petit monde des super-héros. Marvel Comics, qui renaît tout juste des cendres de Timely, se concentre sur les versions papier de ses personnages, nouveaux ou anciens.
Il faut attendre la fin des années soixante-dix pour que le genre redécolle, au propre comme au figuré, et encore une fois grâce à Supes, version Christopher Reeve. Le deuxième film de ce qui deviendra une tétralogie, en 1980, lance la première véritable vague d'adaptations. Ou plutôt vaguelette, puisque la décennie ne connait que quelques titres, cependant mémorables, comme Robocop ou le premier Batman. Même si le comics est à l'époque publié par Marvel, les deux films dédiés à Conan ne peuvent raisonnablement pas être considérés comme des adaptations de films Marvel.
Par contre, à peu près dans les mêmes eaux, deux personnages de la Maison des Idées vont avoir l'honneur des salles obscures. Celui qui ouvre le bal en 1986, c'est... Howard le canard ! Considéré encore aujourd'hui comme l'un des pires films de toute l'Histoire, Howard the Duck met en scène la création de Steve Gerber (partie intégrante de l'univers Marvel) aux prises avec le démon qui l'a fait venir sur Terre par accident. Le palmipède sera aidé dans cette tâche par sa petite amie humaine, Beverly, et par le laborantin foufou Phil.
Bon, c'est vrai que le héros est représenté par un nain - Ed Gale (Spaceballs) en l’occurrence - en costume pelucheux, c'est vrai que les effets spéciaux ont très mal vieilli, c'est vrai que le film fut un échec tant commercial que critique, et c'est vrai aussi que s'il respecte grosso modo les origines du personnage, il n'en respecte pas vraiment les caractéristiques... mais, mais, mais... Malgré tout ça, la comédie potache, co-produite par George Lucas tout de même, a un côté cu-culte qui ne me déplaît pas.
Trois ans plus tard, c'est le Punisher qui prend vie, dans une co-production australo-américaine qui met en scène Dolph Lundgren (Ivan Drago dans Rocky IV, ou Musclor dans l'adaptation des Maîtres de l'Univers) dans le costume de Frank Castle. Ancien flic qui venge la mort de sa femme en abattant tous les mafieux qui croisent sa route, le justicier ne porte pas, ici, le célèbre crâne en guise de signe de reconnaissance, mais en dehors de ça, le blockbuster d'action est plutôt réglo vis-à-vis du comics. Des méchants très méchants, un anti-héros encore plus méchant, des morts à la pelle et un premier rôle aussi inexpressif que son modèle, tout y est. L'échec est une fois de plus au rendez-vous, sans grande surprise, et on se demande si, un jour, on aura une adaptation de super-héros Marvel qui tienne la route.

En dépit des progrès amenés par la CGI en matière d'effets spéciaux, les années quatre-vingt-dix ne réaliseront pas plus les fantasmes des fans. Avant la révolution apportée par Jurassic Park en matière d'images de synthèse, Captain America est de nouveau la star d'un film, à vrai dire assez confidentiel puisque distribué principalement sur le marché de la VHS, en dehors de quelques pays qui ont eu la chance - ou pas - de le diffuser sur grand écran. Produit par 21st Century Film (rien à voir avec le nouveau nom de la 20th Century Fox) après bien des déboires, le long métrage a pour acteur principal Matt Salinger, dans le rôle de Cap'.
Marrant, parce que le bonhomme a de faux airs de Lundgren parfois, et il est aussi monolithique que lui. Mais ce nouveau Cap' se donne un peu plus les moyens de réussir. Reconstituant avec plus ou moins de fidélité les années quarante, le début du long métrage se concentre sur le combat entre le nouveau super-soldat de l'armée américaine et sa Némésis, le Crâne Rouge, qui est ici fasciste plutôt que nazi. Et si Cap' finit congelé dans l'Arctique, il n'est libéré de sa gangue que dans les années quatre-vingt-dix. Hormis ces deux-trois détails, le personnage est tout de même plus respecté que lors de sa précédente incarnation cinématographique.
Cela ne fait pas un bon film pour autant, puisque tant le rythme, très lent, que le mauvais jeu des différents acteurs et l'illogisme des scènes qu'ils traversent gâchent quelque peu le visionnage. Mais à cette époque, c'est tout de même ce qui se fait de mieux en matière de héros Marvel. C'est dire si le niveau est bas... Et ça ne va guère s'arranger par la suite, puisqu'en 1994, Roger Corman co-produit pour le compte de Constantin Film le premier long-métrage dédié aux Fantastic Four. La plus ancienne des équipes de super-héros de la Maison des Idées n'a jamais eu de chance avec ses adaptations cinématographiques, mais avec le roi du nanar aux commandes, on ne peut que craindre le pire.
Et effectivement, le résultat n'est guère brillant. Aux effets spéciaux calamiteux s'ajoutent un jeu d'acteurs excessif, des costumes cheap et un scénario saugrenu. Les 4 Fantastiques gagnent leurs pouvoirs à peu près de manière conforme, et encore, mais l'intervention du Doctor Doom dans l'accident qui les leur a donné, ou pire encore, du Jeweler (une invention du long-métrage), sont hors-sujet. Réduites à la portion congrue, les scènes d'action sont de toute façon ridicules et répétitives. Le film préfère se concentrer sur le personnage tragique de Ben Grimm et sur son histoire d'amour avec la sculptrice aveugle Alicia Masters.
Ce qui aurait pu être une bonne chose, après tout. Le mélo fait recette et cette partie du comics n'a jamais, rétrospectivement, été traitée depuis par les films tirés de la licence. Le problème, c'est que le réalisateur alterne l'émoi avec la grandiloquence et/ou le risible selon le personnage qui est mis en lumière : lorsque c'est Fatalis, par exemple, on est dans le surjeu permanent et agaçant, tandis que les scènes du Jeweler sont supposées représenter le côté comique. Inspiré sans doute par le Pingouin du Batman Returns de Tim Burton, il n'en retient que l'aspect bouffon.
Du reste, le cast est composé exclusivement d'acteurs de seconde, voire de troisième zone, qui ne connaitront guère de véritable carrière, à l'exception peut-être de Michael Bailey-Smith, qui joue la Chose et qui prendra ensuite le rôle de Belthazor dans la série Charmed. Avec toutes ces tares, ce qui devait arriver arriva : Avi Arad, futur responsable de l'univers cinématographique Marvel et alors producteur exécutif, rachète les droits d'exploitation du film, craignant la catastrophe, et demande à ce que toutes les copies soient détruites. Ce ne sera pas le cas puisque la vidéo est encore trouvable de nos jours sur la Toile, mais une chose est sûre : le long-métrage n'atteindra pas les salles obscures. Ouf !
Mais alors ? L'univers Marvel est-il impossible à transposer sur pellicule ? La fin de la décennie va commencer à prouver le contraire : New Line Cinema a acquis les droits sur un personnage mineur de l'éditeur. Blade est un chasseur de vampires qui a acquis les pouvoirs de ses ennemis suite à la morsure du badass Morbius, et ce dans les pages de Spider-Man. Pour le film, ses origines sont nettement revues. Il est désormais un dhampyr ennemi juré des suceurs de sang, sans peur et sans reproche. Un véritable "army of one" parfaitement calibré pour un blockbuster d'action qui, cette fois-ci, met les petits plats dans les grands.
Son visage public est la superstar Wesley Snipes, qui enchaîne les succès depuis Les Blancs ne Savent pas Sauter jusqu'à U.S. Marshalls, en passant par Demolition Man, Drop Zone, Money Train ou Le Fan. Statique dans son jeu, il excelle par contre dans les scènes de baston parfois époustouflantes, et les effets spéciaux sont pour une fois à la hauteur. Le synopsis n'est pas vraiment creusé, mais l'adrénaline est au rendez-vous et c'est le premier véritable succès d'un personnage Marvel sur grand écran. Certes, les risques étaient moindres que sur une tête d'affiche du catalogue, mais c'est un premier pas encourageant.

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