samedi 23 septembre 2017

Event Comics : un roman d'amitié

Encore un article assez court concernant notre rubrique mensuelle dédiée aux comics en version originale. Elle concerne un éditeur qui a pourtant duré cinq ans, ce qui n'est certes pas très long mais pas excessivement court non plus. Et un éditeur, qui plus est, qui a travaillé en étroite collaboration avec le numéro un du marché, au point que l'un de ses co-fondateurs en deviendra président. Ne reste plus qu'à détailler de qui je parle et pourquoi je le dis.


L'INSTANT VO (What else ?)
Repéré chez Valiant Comics au début des années 90, Joe Quesada est ensuite recruté par DC Comics, chez qui il co-créera notamment le personnages d'Azrael. Jimmy Palmiotti, de son côté, est encreur. Un boulot méconnu, propre au medium, et qui ne consiste pas seulement à repasser à l'encre sur les crayonnés de l'artiste principal, mais à l'enrichir de volumes et d'ombre, voire à l'embellir. Le gars Jimmy débute chez Marvel, mais il va travailler par la suite chez de nombreux éditeurs, notamment chez Valiant, où il travaille en collaboration avec Quesada sur X-O Manowar entre autres choses.

Les deux compères deviennent assez rapidement amis, et l'un va difficilement sans l'autre. Ils décident tous deux, en 1994, de fonder leur propre maison d'édition, qu'ils baptisent Event Comics. Le premier titre de la compagnie sera Ash, l'histoire d'un pompier contaminé par un symbiote extraterrestre qui le transforme en créature de feu. L'élément igné est donc au coeur de la première mini-série, que les deux potes co-scénarisent. Quesada dessine, Palmiotti encre. Par la suite, d'autres mini-séries et épisodes spéciaux seront lancés, et outre le duo fondateur, on trouvera aux commandes des noms aussi prestigieux que Mark Waid ou James Robinson pour le scénario, ou Humberto Ramos pour le dessin.

Ceci étant, il faut relativiser. Waid a surtout un rôle de consultant sur la mini-série Cinder & Smoke, scénarisée par Brian Augustyn, Robinson n'a pas le temps de conclure son arche narrative et Ramos n'est pas encore l'artiste que l'on connait aujourd'hui. Il vient de finir son travail sur Impulse, on l'a vu travailler un peu pour Wildstorm mais il est encore bien hésitant. En outre, la parution des différentes sagas du personnage sortent à un rythme irrégulier, et si ce n'était un crossover sympathique avec Azrael, qui forme un certain retour aux sources pour Quesada, l'impact d'Ash sur le milieu du comic-book est anecdotique.
Il n'en va pas de même pour l'autre co-création du dynamique duo. Painkiller Jane, née dans les pages de la mini-série 22 Brides, a rapidement droit à sa propre mini-série, mais aussi et surtout à une tripotée de crossovers, pour la plupart très bons. Elle aide le Hellboy de Mike Mignola sur une affaire paranormale, elle tombe amoureuse du Punisher, elle se montre encore plus sadique que Jackie Estacado, l'hôte du Darkness, et elle partage aussi l'affiche avec Ariel Chylde, la bimbo créée par Randy Queen.
Et une nouvelle fois, les têtes d'affiche se bousculent pour donner corps à ses aventures. C'est le vétéran Rick Leonardi qui s'occupe de la mise en images de la première mini-série, après un numéro zéro signé Amanda Conner. Les rencontres avec le Darkness ou le Punisher bénéficient de l'humour noir de Garth Ennis au scénario, et tandis que J.G. Jones signe les illustrations de Painkiller Jane / Darkchylde, c'est Joe Jusko qui peint l'histoire d'amour contrarié avec Frank Castle. La franchise renaîtra bien plus tard chez Dynamite Entertainment, et son succès entrainera même la création d'un téléfilm puis d'une série télévisée.

Enfin, Joe Quesada et Jimmy Palmiotti inventent le personnage de Kid Death, accompagné de son chien lobotomisé Fluffy. C'est même leur première co-création : à la base, il est présent sur une illustration de cartes à collectionner ! Il aura droit à trois épisodes spéciaux chez Event Comics, impliquant, tant au scénario qu'au dessin, le spécialiste des comics grinçants Richard Parker, connu notamment pour son travail sur l'adaptation de Beavis & Butt-Head.
Outre ces trois têtes d'affiche, les co-créateurs d'Event Comics donnent aussi la parole aux 22 Brides, un groupe de cassos qui aura droit à sa mini-série et à un crossover interne avec Ash. Mais Quesada et Palmiotti se font aussi éditeurs, dans le plus pur sens du terme. Ils donnent leur chance à plusieurs séries, qui ne rencontreront hélas pas le succès. Ainsi du Crimson Plague de George Perez, dont un seul numéro sortira sous ce label, avant un retour chez Gorilla Comics. Here Come the Big People, par Trace Beaulieu, restera au stade du one-shot, et le deuxième épisode du Thrax de Dave Ross ne verra jamais le jour.

En 1998, Event Comics est missionné par Marvel Comics pour produire le label Marvel Knights, une réécriture des héros secondaires de la firme sous un jour plus adulte. Le succès de cette gamme amènera Quesada jusqu'au poste de président de Marvel, mais en parallèle, sa relation avec Palmiotti se déteriorera et cela signera la fin d'Event Comics, après un ultime épisode d'Ash en 1999. En France, c'est majoritairement Panini, via son label Génération Comics, qui se charge d'adapter les têtes d'affiche du studio. Quelques crossovers seront aussi publiés par TSC, la structure qui éditait le magazine Comic Box à l'origine. J'ai trouvé tout ce qu'Event Comics a produit.

Le bilan : 
A lire de toute urgence
Painkiller Jane / Darkchylde (octobre 1998)
Paru en VF chez Panini dans Génération Comics n°2
scénario : Brian AUGUSTYN
dessin : J.G. JONES
L'invincible Painkiller Jane découvre l'univers cauchemardesque d'Ariel Chylde, capable de donner vie à ses peurs les plus profondes. Or, il se trouve que le royaume du rêve est en proie aux manigances d'un psychiatre fou à lier, qui veut faire des deux jeunes femmes ses concubines. Plutôt qu'un stérile affrontement entre super-héroïnes, Brian Augustyn préfère se diriger vers une alliance contre nature entre deux univers très distincts. Pour autant, ou peut-être grâce à cela, le résultat est très agréable, et le style peint de J.G. Jones est un régal.

Painkiller Jane / Hellboy (aout 1998)
Paru en VF chez Panini dans Génération Comics n°2
scénario : Brian AUGUSTYN
dessin : Rick LEONARDI
La justicière Painkiller Jane, aidée du démon enquêteur Hellboy, fait face à un esprit malin venu des temps anciens, libéré accidentellement de la jarre sacrée où il était contenu. La créature commence à corrompre la réalité autour du musée où se trouvait l'urne. Ce n'est pas la première fois que l'héroïne de Joe Quesada et Jimmy Palmiotti participe à un crossover, mais celui-ci est d'autant plus intéressant qu'il se déroule dans l'univers tellement baroque d'Hellboy. Encore une fois, la joie de retrouver Rick Leonardi au dessin est bien là.

Vampirella / Painkiller Jane (mai 1998)
Paru en VF chez TSC en supplément de Comic Box H.S. 1
scénario : Brian AUGUSTYN et Mark WAID
dessin : Rick LEONARDI
Un défilé de mode un peu particulier est organisé par un groupe de vampires aristocrates, qui comptent sacrifier les modèles à la fin du show. Il n'en fallait pas plus pour que Vampirella intervienne, rejointe cette fois par l'invincible Painkiller Jane. Brian Augustyn et Mark Waid organisent un crossover plaisant entre deux héroïnes qui ont leur franc-parler, et leur charme ! C'est aussi l'occasion de retrouver le vétéran Rick Leonardi au pinceau, qui n'a absolument rien perdu de son talent.

A feuilleter à l'occasion
Ash (novembre 1994, 6 épisodes + un numéro #0 et un numéro #1/2)
Paru en VF chez Panini en quatre numéros
scénario : collectif
dessin : Joe QUESADA et Humberto RAMOS
Ashley Quinn, pompier un peu casse-cou, échappe de peu à la mort grâce à l'intervention d'une entité ignée. Grièvement brûlé, le soldat du feu ressort de l'hôpital en parfaite santé ! Et désormais, lorsqu'une menace se profile, il devient Ash ! Le studio de Joe Quesada et Jimmy Palmiotti présente sa première bombe. Le récit est mouvementé, et s'il manque d'originalité, il est suffisamment bien traîté pour que l'on ait envie de poursuivre la lecture. On notera tout de même des soucis de cohérence.

Ash Files (mars 1997)
scénario : Kim JOHNSON
dessin : Scott LEE, Jimmy PALMIOTTI, Joe QUESADA et Humberto RAMOS

Les Ash Files forment une base de données extrêmement complète et richement documentée sur la création d'Adam, mais également sur ses principaux ennemis ainsi que sur ses proches. On y trouve même quelques fiches concernant de vagues relations. L'aspect encyclopédique de cet épisode spécial est proprement remarquable. Ceci étant, il n'y a rien d'étonnant à cela, puisqu'il ne peut guère s'appuyer que sur le matériel en provenance de la première mini-série et de quelques numéros annexes.

Azrael / Ash (1997)
Paru en VF chez TSC dans la collection prestige
scénario : Dennis O'NEIL
dessin : Joe QUESADA
Azrael, justicier aux méthodes expéditives armé de lames de feu, et Ash, font face à un puissant pyromane qui semble inarrêtable. Mais est-ce que les deux vengeurs ne se trompent pas de cible ? Et si le pyromane n'était que la marionette de quelque dangereux sadique ? Tout simplement superbe, Joe Quesada tenant ici une forme olympique, ce crossover reste tout de même très classique dans son déroulement. Il permet cependant de mieux connaître l'anti-héros Azrael, personnage secondaire de l'univers de Batman qui prend du galon depuis quelques temps.

Crimson Plague (juin 1997)
scénario et dessin : George PEREZ

Lorsque Dina: Simmons saigne, tous ceux qui l'entourent meurent dans d'abominables souffrances. Shannon Lower et le reste de l'équipage du Sagittarius, sous couvert d'une mission de secours, sont chargés par Ecotech de la retrouver et de l'éliminer. La franchise imaginée par George Perez avait toutes les cartes en main pour trouver son public : les dessins toujours aussi fins de l'artiste, bien entendu, mais aussi un contexte de thriller spatial bien ficelé et une menace pour le moins originale. Hélas, la cessation d'activité de l'éditeur aura eu raison d'elle.

Painkiller Jane (juin 1997, 5 épisodes + un numéro #0)
Paru en VF chez Panini en trois numéros
scénario : Brian AUGUSTYN, Jimmy PALMIOTTI, Joe QUESADA et Mark WAID
dessin : Eric BATTLE, Amanda CONNER Rick LEONARDI
Désormais capable de survivre à n'importe quelle blessure, moyennant des souffrances inimaginables, Jane Vasco est par contre incapable de reprendre son poste au sein des forces de l'ordre. Elle devient dès lors la justicière Painkiller Jane, chargée de retrouver la fille d'un parrain du crime. Le personnage est explosif, et le duo que forment Mark Waid et Brian Augustyn au scénario lui permet de vivre des aventures plutôt prenantes, dans un registre qui tient plus du thriller que du super-héros. Mais ce sont surtout les dessins du trop rare Rick Leonardi qui en font un succès.

Painkiller Jane Vs. the Darkness (avril 1997)
Paru en VF chez Panini dans Génération Comics n°2
scénario : Garth ENNIS
dessin : Amanda CONNER
Painkiller Jane et Jackie Estacado, l'hôte de l'entité maléfique appelée Darkness, sont chacun de leur côté à la poursuite d'un petit truand. Hélas pour lui, ce dernier a trouvé refuge... chez une tueuse en série, qui le torture avant de l'achever. Décalé et bourré d'humour noir, parfois presque malsain, ce crossover est, comme souvent avec Garth Ennis aux manettes, très original. La lecture est qui plus est rendue plus agréable encore par le dessin cartoony d'Amanda Conner, qui atténue les détails les plus gore.

The Punisher / Painkiller Jane (janvier 2001)
scénario : Garth ENNIS
dessin : Joe JUSKO et Dave ROSS
Lors d'une rencontre fortuite, Painkiller Jane est tombée folle amoureuse du Punisher, au point d'entrer par effraction dans son appartement et de le traquer sans relâche pour lui exprimer son amour. Malheureusement pour elle, la réciproque n'est pas vraie. Garth Ennis imagine une histoire d'amour tordue entre les deux anti-héros solitaires, qui ne rend pas vraiment justice à l'égérie de Joe Quesada et Jimmy Palmiotti, mais qui se montre plutôt amusante. Les deux artistes impliqués sur ce crossover sont solides.

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