samedi 22 juillet 2017

Defiant Comics : la tour prend garde

Et si on reparlait des mésaventures de Jim Shooter ? Souvenez-vous (ou pas, puisque je vais le réécrire), le gars Jimmy, après avoir été viré par Marvel Comics, avait créé à la fin des années quatre-vingt Valiant Comics, dont il finira par être mis à la porte en 1992. On en avait parlé dans l'article consacré à Broadway Comics, une boîte qu'il avait fondé en 1995. Mais entre ces deux dates, qu'a bien pu faire l'ami Shooter ? Eh bien mettre au point une autre structure d'édition, bien sûr !


L'INSTANT VO (What else ?)
Quand il quitte Valiant avec pertes et fracas, Jim Shooter ne part pas tout à fait les mains vides. Il emmène avec lui quelques scénaristes et dessinateurs qui le suivent quasi-religieusement depuis la belle époque de Marvel. Il a aussi été contraint de céder ses parts de Voyager Communication (la maison-mère de Valiant), et avec l'argent ainsi récupéré, il monte un partenariat avec le River Group pour financer Defiant Comics.
D'entrée de jeu, le nouvel éditeur fait face à ses premières difficultés. Jim Shooter annonce en grande pompe le numéro zéro d'un premier titre baptisé Plasm. Peu de temps après, Marvel Comics intente un procès à Defiant pour l'utilisation d'un titre trop proche de l'une des franchises de sa filiale anglaise, Plasmer. Le nouveau venu en sera quitte pour renommer sa série Warriors of Plasm, mais la procédure judiciaire n'est pas stoppée pour autant et, même si au final, Marvel est débouté, les frais engendrés par le conflit mettront à mal la trésorerie du jeune éditeur.

En fait, ce n'est pas Plasm #0 qui ouvre le bal, c'est un épisode spécial appelé The Birth of the Defiant Universe qui a cet honneur. Il ne s'agit pas vraiment d'un comics per se,  mais plus d'un petit ouvrage promotionnel destiné à présenter les principales séries à venir. Chose amusante, on y trouve un titre baptisé Glory, spin-off de Warriors of Plasm qui, au final, ne verra jamais le jour. Seul un numéro zéro de quelques pages sera publié, dans les pages du catalogue Overstreet.

Des séries secondaires, Warriors of Plasm va en avoir pas mal. La saga suit le parcours de cinq héros et de quelques protagonistes de deuxième ordre, et chacun ou presque aura droit à ses propres aventures. Mouse sera ainsi le rôle-titre de Prudence & Caution, qui ne durera que deux épisodes, tandis que son pote Shooter se retrouvera à l'affiche de Dogs of War. Grimmax, champion d'un sport local appelé le splatterball, aura aussi les honneurs d'un numéro zéro à son nom, ainsi que d'un one-shot à l'effigie de son sport.
On l'aura compris, Warriors of Plasm est le porte-étendard de Defiant Comics, mais ce n'est pas la seule série au catalogue de l'éditeur. On y trouve aussi Dark Dominion, par exemple. Plus orienté fantastique que son prédécesseur, qui misait pour sa part sur une science-fiction débridée que n'aurait pas nié le magazine Métal Hurlant (ou Heavy Metal dans sa version anglophone), Dark Dominion est assez efficace en dépit des comportements parfois bizarres de ses personnages.

Du reste, de manière générale, les comics de Defiant sont le reflet de leur époque : à la frontière des années 80 et de la décennie suivante, la bande dessinée américaine a souvent tendance à représenter un présent glauque qui ne laisse présager que d'un avenir plus sombre encore. Ce désenchantement, qui tranche avec la béatitude parfois naïve des années 60 voire 70, est symptomatique de ce que l'on appelle l'âge sombre des comics. Pourtant, chez Defiant, on trouve aussi The Good Guys, une série super-héroïque plus traditionnelle, qui met en scène de jeunes enfants dotés de pouvoirs dans des aventures un peu gnan-gnan, mais qui vont à contre-courant des autres titres de l'éditeur.
Car en parallèle, on trouve aussi War Dancer et Charlemagne. Séries-soeurs, la première s'intéresse à une entité quasi-omnipotente qui risque fort de détruire l'univers, tandis que la seconde suit celui qui est probablement le seul à pouvoir l'arrêter. Les deux sont assez efficaces, mais de manière globale, Defiant Comics n'a rien pour accéder à la renommée, d'autant plus dans un marché complètement saturé et sur le point d'exploser. Graphiquement surannés, colorisés à l'ancienne (ce qui a son charme, mais tel n'est pas l'avis des consommateurs de l'époque), les titres peinent à trouver leur public.

En début d'année 1994, Jim Shooter annonce (notamment par le biais d'un épisode spécial appelé Defiant Genesis) Schism, un grand crossover interne supposé s'étaler sur toutes les séries de l'éditeur ainsi que sur une mini-série dédiée en quatre épisodes. Finalement, l'évènement n'aura pas lieu, et seuls deux épisodes liés, un de Warriors of Plasm et un de Dogs of War, témoignent encore de ce projet avorté, qui signe la fin de l'éditeur. En France, personne ne s'est intéressé à cette maison d'édition.
J'ai trouvé tout ce que Defiant Comics a produit.
Le bilan :
A feuilleter à l'occasion
Charlemagne (février 1994, 5 épisodes + 1 numéro zéro)
scénario : collectif
dessin : Anthony CASTRILLO, Tim ELDRED et Adam POLLINA
A la recherche de son frère parti faire la guerre au Vietnam, le jeune Charles Smith est victime d'une attaque américaine. Plongé dans le coma, il en ressort des années plus tard pourvu d'une force herculéenne, qu'il va mettre au service de son combat contre le War Dancer. Tout à la fois spin-off et jumelle de la série War Dancer, la mini-série initiée par D.G. Chichester et Adam Pollina est tout aussi efficace, dans un registre plus traditionnel. La partie graphique est à peu près constante de bout en bout, et le parcours initiatique du héros, bien qu'expéditif sur la fin, est prenant.

Dogs of War (avril 1994, 5 épisodes)
scénario : Art HOLCOMB et Jim SHOOTER
dessin : George JEANTY
A son retour sur Terre, Shooter a du mal à se faire à sa nouvelle vie civile, l'armée ne voulant pas croire en ses capacités spéciales auto-proclamées. Le besoin d'argent se faisant rapidement sentir, il décide de vendre ses pouvoirs au plus offrant, aidé par son ami Mouse. Spin-off de la série Warriors of Plasm, le récit d'Art Holcomb joue la carte du héros grim'n'gritty, à la manière du Punisher de Marvel Comics, qui a le vent en poupe. L'histoire est cohérente et efficace, et plus les épisodes passent, plus les dessins de George Jeanty se font assurés.

War Dancer (février 1994, 6 épisodes)
scénario : Jim SHOOTER et Alan WEISS
dessin : Mike NETZER, Dave TAYLOR et Alan WEISS
Sally Throckmorton croyait sa vie compliquée, jusqu'au jour où le War Dancer apparait à ses côtés, traqué par une armada venue du Plasme. Le prince des rêves veut retrouver sa bien-aimée, même s'il doit pour cela annihiler toutes formes de vie sur Terre. La mini-série initiée par Jim Shooter et Alan Weiss est sans doute ce que Defiant Comics a produit de mieux. Supportée par un protagoniste principal charismatique et inspirée par la mythologie précolombienne, elle bénéficie également de visuels efficaces. Hélas, elle ne connaitra jamais de véritable fin.

Warriors of Plasm : Home for the Holidays (novembre 1993)
scénario : Len WEIN
dessin : Dave COCKRUM
Désormais devenu empereur du Plasme, Lorca doit faire face aux constantes réclamations de son peuple nouvellement libéré. Il s'appuie sur les conseils des Terriens mutés qui ont décidé de rester à ses côtés, quitte à ne plus revoir leurs proches, et leur aide lui sera précieuse pour triompher de Thoraxolic. Len Wein reprend là où Jim Shooter a laissé son histoire, pour un épisode auto-contenu qui respecte l'univers de la série mais qui place l'esprit de Noël au coeur du récit, quitte à donner quelque peu dans le ridicule par moments. Au dessin, Dave Cockrum n'a rien perdu de son talent.

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