En ce mois de juin, les parutions indépendantes
se font légèrement moins denses que précédemment, même si de nombreux
éditeurs ont leur mot à dire. On saluera notamment l'initiative
d'Alayone, qui publie Hellshock après une première expérience d'édition
du très confidentiel The Secret of Crows, ou l'une des rares incursions
de Futuropolis dans le domaine du comic-book. On s'intéressera aussi à
Akiléos, qui développe son catalogue dans des directions variées. Mais
de manière globale, ce sont toujours les quatre mastodontes qui se
taillent la part du lion, et c'est Panini que l'on mettre à l'honneur ce
mois-ci.
LE COMICS (indé) DU MOIS (de juin)
PROVIDENCE (tome 3, éditions Panini)
scénario : Alan MOORE (Watchmen, Tom Strong)
dessin : Jacen BURROWS (303, Neonomicron)
genre : fantastique qui chuchote dans les ténèbres
édité chez AVATAR PRESS aux USA (contient Providence 9 à 12)
Providence suit le parcours d'un journaliste new-yorkais du début du
vingtième siècle, Robert Black. Lassé de ce que son patron lui propose,
il décide de partir explorer la Nouvelle-Angleterre à la recherche des
nombreuses légendes, sinistres ou étranges, qui l'entourent. Enfin
arrivé dans la ville de Providence, Robert Black rencontre un certain
Henry Annesley, membre de la Stella Sapiente, avant de se rendre au
chevet d'Howard Lovecraft. Ce faisant, il découvre le véritable destin
de l'auteur, dont l'intéressé lui-même ignore tout.
Il y a quelques années, Alan Moore et Avatar Press ont trouvé un
partenariat relativement juteux pour les deux parties : cela faisait un
grand nom à mettre au catalogue de l'éditeur, tandis que l'auteur, alors
en manque de liquidités, pouvait se permettre quelques travaux
alimentaires pour payer ses factures. En ont résulté plusieurs
mini-séries, parmi lesquelles The Courtyard et Neonomicon, qui
s'intéressaient toutes deux à la mythologie des Grands Anciens
développée par H.P. Lovecraft. Avec Providence, Alan Moore va plus loin.
Basiquement, c'est un peu la Ligue des Gentlement Extraordinaires
lovecraftienne : le génial anglais amalgame tous les récits du maître de
l'horreur pour en faire un univers cohérent et en tirer une histoire
conçue comme une enquête. Bien entendu, il faut une connaissance
quasiment encyclopédique de Lovecraft pour saisir toutes les références,
ce qui peut être un frein pour certains, ou qui peut en tout cas
partiellement gâcher la lecture si l'on n'est pas suffisamment calé en
la matière.
Car hormis cela, la maxi-série est assez statique et plutôt
verbeuse, ce qui se traduit notamment par de très nombreuses scènes de
dialogues, pas forcément cohérentes si l'on ne comprend pas à quoi elles
se réfèrent. Pour appuyer encore un peu plus là où ça fait mal, c'est
Jacen Burrows qui a été choisi pour dessiner les douze épisodes. Avatar
n'a pas beaucoup de dessinateurs brillants, et Burrows est peut-être le
moins pire du lot, mais son style est particulièrement rigide et ne
plaira pas à tout le monde.
Malgré tout, la saga est réjouissante pour qui veut s'y investir. Et
notamment ce troisième et dernier tiers, lors duquel Alan Moore révèle
le grand plan d'ensemble, et parvient même à raccrocher, il est vrai un
peu artificiellement, ce conglomérat de nouvelles lovecraftiennes à ses
propres mini-séries parues précédemment chez le sulfureux éditeur. Il
boucle ainsi élégamment la boucle.
DANS LE RESTE DE L'ACTUALITE
La MALEDICTION de ROWANS (éditions Delcourt)
scénario : Mike CAREY (Lucifer, Suicide Risk)
dessin : Mike PERKINS (the Stand, Carnage)
genre : thriller qui te file un peu les poils
édité chez BOOM ! STUDIOS aux USA (contient Rowans Ruin 1 à 4)
Katie Shackley vient d'aménager à Rowans Rise dans le cadre d'un
échange de maisons pour les vacances. Au départ ravie de sa nouvelle
résidence, elle découvre petit à petit que la vieille demeure anglaise
est le lieu d'une abominable malédiction. La mini-série de Mike Perkins
joue avec les codes classiques du thriller horrifique et, en dépit de la
staticité du médium, elle parvient à provoquer l'envie irrémédiable de
tourner la page pour connaitre la suite. Les dessins de Mike Perkins
sont agréables.
(3,5/5)
RUSSIAN OLIVE to RED KING (éditions Akiléos)
scénario : Kathryn IMMONEN (Moving Pictures, Journey into Mystery)
dessin : Stuart IMMONEN (Nextwave, Shockrockets)
genre : drame aussi imbitable que son titre le laisse penser
édité chez ADHOUSE BOOKS aux USA (contient Russian Olive to Red King OS*)
Olive et Red filent le parfait amour, mais lorsque la première
disparait lors du crash de son avion en plein coeur des montagnes
enneigées, le second n'a plus que son chien pour lui remémorer celle
qu'il a perdu. Pourra-t-il garder l'espoir qu'elle soit retrouvée ? Et
si oui, combien de temps ? Pour leur nouveau projet commun, Kathryn et
Stuart Immonen s'intéressent à la notion de perte d'un être cher. Le
récit est assez plat en dépit des somptueuses et grandiloquentes
illustrations de l'artiste, et se termine par un étrange texte
cathartique sur le père disparu de l'auteur.
(3/5)
PLUTONA (éditions Futuropolis)
scénario et dessin : Jeff LEMIRE (the Underwater Welder) et Emi LENOX (Emitown)
genre : super-hero stalkers
édité chez STUDIO 171, Inc., un label d'IMAGE COMICS, aux USA (contient Plutona 1 à 5)
La plus puissante des héroïnes de Metro City, Plutona, se fait
plutôt discrète ces derniers temps. Et pour cause : comme vont le
découvrir quatre camarades d'école, la justicière a été assassinée, et
il leur revient de décider quoi faire de cette découverte. Jeff Lemire
utilise quelques codes des histoires de super-héros traditionnelles pour
étudier les effets d'une rencontre avec ce genre de personnages sur un
groupe d'amis. Assez incohérente, la mini-série souffre qui plus est du
style graphique un peu simpliste d'Emi Lenox.
(2/5)
NAILBITER (tome 3, éditions Glénat)
scénario : Joshua WILLIAMSON (Birthright, Ghosted)
dessin : Mike HENDERSON (Teenage Mutant Ninja Turtles) et Adam MARKIEWICZ (the Great Divide)
genre : slasher qui se sort les doigts du cul
édité chez IMAGE COMICS aux USA (contient Nailbiter 11 à 15)
Nicholas Finch a capturé Edward Warren et compte lui faire avouer ce
qu'il sait au sujet des tueurs en série de Buckaroo. Parallèlement,
l'agent Barker est séquestrée par le Boucher, qui lui fait une
démonstration saignante de ses talents. Joshua Williamson dévoile
quelques pistes intéressantes et assène plusieurs coups de théâtre
retentissants, qui font rebondir l'intrigue de manière inattendue. La
série y gagne grandement en consistance, et le dessin de Mike Henderson
est toujours aussi efficace.
(3,5/5)
DESCENDER (tome 3, éditions Urban)
scénario : Jeff LEMIRE (Sweet Tooth, Essex County)
dessin : Dustin NGUYEN (Wildcats 3.0, Superman Unchained)
genre : science-fiction laissée en pause
édité chez STUDIO 171, Inc., un label d'IMAGE COMICS, aux USA (contient Descender 12 à 16)
Tim-21 doit désormais faire face à Tim-22, qui veut l'éliminer pour
rester dans les bonnes grâces de Psius. Pendant ce temps, Telsa est
trahie par le docteur Jin Quon, qui révèle sa véritable identité au
leader de la révolution robotique. Andy parviendra-t-il à les retrouver à
temps ? Jeff Lemire n'en finit plus de faire trainer son récit,
utilisant chaque épisode de cette arche narrative pour retracer le passé
des principaux protagonistes de sa saga. Cela commence à être sacrément
long, mais heureusement, les peintures de Dustin Nguyen permettent de
patienter.
(3/5)
OUTCAST (tome 4, éditions Delcourt)
scénario : Robert KIRKMAN (the Walking Dead, Invincible)
dessin : Paul AZACETA (Grounded, Potter's Field)
genre : fantastique qui va pas tarder à faire chier
édité chez SKYBOUND ENTERTAINMENT, un label d'IMAGE COMICS, aux USA (contient Outcast 19 à 24)
Kyle a été capturé par Sidney, qui espère le convaincre, certes sous
la contrainte, de coopérer avec lui. A sa recherche, le révérend
Anderson finit lui aussi aux mains des possédés, et tous deux découvrent
que leurs ennemis sont bien plus nombreux qu'ils le croyaient au
départ. Comme à son habitude, Robert Kirkman fait monter le suspens et,
sans trop y croire, on espère obtenir des réponses lors de la prochaine
arche narrative. Ceci étant, l'association avec Paul Azaceta au dessin
fonctionne toujours aussi bien.
(3,5/5)
STRANGERS in PARADISE (intégrale 1, éditions Delcourt)
scénario et dessin : Terry MOORE (Echo, Motor Girl)
genre : comédie slash drame slash thriller slash espionnage slash chef d'oeuvre
édité chez ABSTRACT STUDIOS aux USA (contient Strangers in Paradise 1 à 3 et Strangers in Paradise vol.2* 1 à 13)
La belle et naïve Francine Peters découvre que son fiancé Freddie
Femurs, avec qui elle ne va pas tarder à se marier, la trompe avec sa
secrétaire. Sa meilleure amie Katchoo décide de la venger de manière
spectaculaire, même si la loi n'est pas forcément de son côté. Delcourt
publie au format omnibus ce petit bijou d'humour et de dramaturgie,
publié originellement chez Antarctic Press en 1993 puis en auto-édition.
Comédie sentimentale aux personnages tellement réalistes et en même
temps tellement passionnants, la saga de Terry Moore marque aussi pour
son dessin sans défauts.
(4/5)
VELVET (tome 3, éditions Delcourt)
scénario : Ed BRUBAKER (Criminal, Fatale)
dessin : Steve EPTING (El Cazador, Crux)
genre : James Bond Girl qui met à l'amende ses pair(e)s
édité chez BASEMENT GANG, Inc., un label d'IMAGE COMICS, aux USA (contient Velvet 11 à 15)
Enquêtant sur la mystérieuse compagnie Titanic Holding qui pourrait
être à l'origine de la mort de l'agent X14, Velvet Templeton demande
l'aide de son ancien collègue Maximillion Dark, tout en sachant
pertinemment que celui-ci en sait plus qu'il n'en dit sur le sujet. La
maxi-série d'Ed Brubaker s'achève dans un bain de sang et en ne
répondant qu'à demi-mots aux nombreuses questions qu'elle a soulevé tout
du long. Là est sans doute la recette d'une bonne histoire
d'espionnage, magnifiée en permanence par les illustrations de Steve
Epting.
(4/5)
GIANT DAYS (tome 1, éditions Akiléos)
scénario : John ALLISON (Murder She Writes, Expecting to Fly)
dessin : Lissa TREIMAN
genre : comédie sentimentale adolescente donc gnan-gnan
édité chez BOOM ! BOX, un label de BOOM ! STUDIOS, aux USA (contient Giant Days 1 à 4)
Amies d'université, Susan Ptolemy, Daisy Wooton et Esther de Groot
n'ont pourtant pas du tout le même tempérament. Mais elles s'entraident
sans cesse, que ce soit lorsqu'elles tombent malades, quand Esther doit
affronter le mysoginisme ambiant ou quand Daisy tombe amoureuse de la
mauvaise personne. Si elle n'est pas désagréable en soi, la série de
John Allison n'est qu'une suite de saynettes à vocation humoristique,
plus ou moins décousues et, au final, pas vraiment amusantes. On ne
s'attache pas aux héroïnes, et le dessin de Lissa Treiman est un peu
trop passe-partout.
(2/5)
HELLSHOCK (éditions Alayone)
scénario : Jae LEE (Namor : the Sub-Mariner) et José VILLARRUBIA (the Mirror of Love)
genre : mystique qui a pas le gaz à tous les étages
édité chez IMAGE COMICS aux USA (contient Hellshock 1 à 4 et Hellshock vol.2* 1 à 3)
L'inspecteur Danek Haight croyait avoir tout vu, mais lorsqu'il est
appelé d'urgence dans une petite église de New York et qu'il rencontre
Daniel, sa foi bascule. Il y a vingt ans, Daniel est né de l'amour
impossible entre Isabelle Lovelight et l'ange Jonakand, récemment revenu
de l'enfer. Pour sa première mini-série en tant qu'auteur indépendant,
Jae Lee joue la carte du héros torturé aux prises avec les pêchés du
père. Le concept est dans l'air du temps et l'auteur ne fait montre
d'aucune originalité, mais son style graphique est toujours aussi
impressionnant. La deuxième mini-série est plus intrigante mais plus
confuse.
(3/5)
* OS : one-shot, récit auto-contenu
* VOLUME :
numéro d'identifiant d'une série
PAS LU, PAS PRIS (et pas près de le prendre)
ETERNAL WARRIOR (Wrath of the Eternal Warrior), édité chez Valiant Comics aux USA et chez Bliss en France
HIP HOP FAMILY TREE tome 2, édité chez Fantagraphics aux USA et chez Papa Guede en France
JACK le TEMERAIRE (Mighty Jack), édité chez MacMillan aux USA et chez Rue de Sèvres en France
NINJAK tome 3, édité chez Valiant Comics aux USA et chez Bliss en France
SILVER, édité chez Dark Planet aux USA et chez Glénat en France
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