Outre les épisodes officiels et les productions non-licenciées utilisant majoritairement des personnages secondaires, Doctor Who a aussi connu la ferveur de fans très motivés, prêts à rendre hommage à leur série avec peu de moyens mais pas mal de débrouillardise. Les quatre articles que je vais dédier au sujet sont très loin d'être exhaustifs, mais j'essaierai de dresser un portrait le plus fidèle possible de ces objets méconnus.
Les années 80, premières expérimentations et grosses déconnades
La toute première tentative, en tout cas la première recensée, c'est Time Waits for no Man, en 1977. Réalisé par Kevin Jon Davies et des amis de son école de Tottenham, il s'agit d'un film d'animation, sans son (la vidéo que l'on trouve sur Youtube est accompagnée par une bande-son technoïde), qui met en scène de manière parodique le quatrième Docteur, alias Tom Baker, et Leela.
On y croise aussi un Sutekh sur son trône, sur le point de tirer la chasse, mais aussi un Morbius comme dessiné par Picasso ou encore une boîte de nuit tenue par les Daleks et où de nombreux monstres de la série classique se frottent sur la piste de danse. Un délire de quelques minutes seulement, pas très bien fait et sans queue ni tête, mais qui trace la voie pour les productions à venir. La vidéo est trouvable ici.
C'est en 1984 que les choses s'accélèrent, avec trois groupes amateurs qui se lancent en même temps dans la partie. Celui qui officiera le moins longtemps est la Beeblebrox Company, avec seulement deux films à son actif : Dark Alliance et Theta-G. Les deux mettent en scène un quatrième Docteur interprété cette fois-ci par Sir Laurence Klein. Dans le premier, il est accompagné par Sarah-Jane Smith, jouée pour les besoins de l'histoire par deux actrices différentes.
Cette histoire, composée de deux épisodes d'un gros quart d'heure chacun, se déroule au vingt-neuvième siècle et oppose nos deux héros à une alliance entre les Daleks, le Maître et des Cybermen d'un ridicule à pleurer, entre autres. Très mal jouée, illogique et bordélique au possible, elle est tout de même plus réussie que la deuxième. La seule vidéo de Theta-G disponible sur le Net est de tellement mauvaise qualité que l'on n'y comprend rien, mais ce que l'on peut y voir ne donne franchement pas envie de s'y plonger.
Dark Alliance part 1 Dark Alliance part 2 Theta-G
En 1984 toujours, la Federation fait ses grands débuts. Ce groupe de fans, l'un des plus larges à l'époque, propose tout d'abord l'aventure All Doctors Great and Small, crossover improbable entre Who et le soap vétérinaire All Creatures Great and Small, dans lequel avaient joué Patrick Troughton et Peter Davison notamment. Malheureusement, la mauvaise qualité du son de la vidéo que l'on trouve sur la Toile ne permet pas de profiter pleinement de l'humour affiché par cette histoire plutôt posée, voire statique.
L'année suivante, alors que le show de la BBC est menacé d'annulation, la Federation lance S.A.V.E.W.H.O., dans lequel tous les Docteurs et une bonne partie des Companions historiques, ainsi qu'un paquet de méchants et même John-Nathan Turner, sont parodiés. L'idée est de détourner des scènes mythiques de la série et d'organiser un faux appel aux dons pour la sauver. En 1986, le groupe revient avec Doctor Who and the Holy Grail, un nouveau crossover, cette fois avec le chef d'oeuvre des Monty Python.
En 1989 enfin, la Federation produit Who on TV, mais hélas, je n'ai pas pu trouver la vidéo de cette aventure. De manière globale, on peut dire qu'il ne s'agit que de gros délires d'une bande de potes pas vraiment taillés pour les Oscars, et réalisés avec trois bouts de ficelle. On retrouvera la Federation lors de la décennie suivante, et encore celle d'après, donc j'aurai l'occasion de vous en reparler.
All Doctors Great and Small S.A.V.E.W.H.O. Doctor Who and the Holy Grail
Concrètement, ces premiers exemples sont sans aucun doûte dans le registre de la comédie, voire de la parodie. Mais le dernier studio dont je vais vous parler pour cette année 1984, c'est la Seattle International Films. Déjà, on s'en doute grâce à l'appellation, il s'agit cette fois-ci d'un groupe américain. Et puis surtout, s'ils n'ont pas beaucoup plus de moyens que leurs cousins brittons, ils prennent l'exercice au sérieux, eux. SIF va mettre en scène quatre aventures du Docteur, avec une petite particularité.
Il s'agit des aventures du septième Docteur, à l'heure où le canal officiel n'en est qu'à six. Mieux encore, SIF imagine que cette nouvelle incarnation sera une femme ! L'actrice Barbara Benedetti est particulièrement convaincante dans le rôle, sa très grande taille et son accoutrement de Monsieur Loyal au féminin lui octroyant une certaine forme d'assurance qui sied bien au personnage. Elle est accompagnée par Carl Evans, un Londonien du XIXe siècle que l'on croirait cousin des Three Stooges, tant son interprète est doué pour les mimiques comiques.
Leur première aventure commune s'intitule The Wrath of Eukor. Elle se déroule dans une forêt et, en dépit d'un cast limité et de piètres effets spéciaux, elle mériterait presque de faire partie de la chronologie officielle du Docteur. Le constat est presque aussi bon pour Visions of Utomu, en 1986, qui se déroule de toute évidence sur Peladon. Plus humoristique mais toujours aussi bien joué, il souffre par contre de décors médiocres.
Quoiqu'il en soit, il est tout de même bien meilleur que Pentagon West : a Doctor in the House, en 1987, une histoire peu entraînante durant laquelle le Docteur et Carl ne font quasiment que de la figuration, au profit d'une bande d'étudiants et de leur prof devenu fou. En 1988 enfin, arrive Broken Doors, un bon épisode dans la veine de The Celestial Toymaker. Plus court que les précédents (vingt minutes contre une demi-heure d'habitude), il voit le Docteur faire usage des Jelly Babies de sa quatrième incarnation, et il se termine par la régénération de l'héroïne... en homme !
Chose amusante : jamais durant les quatre on ne voit l'intérieur du TARDIS. Contrairement aux autres groupes amateurs, SIF a sans doute préféré ne pas perdre de temps avec un décor aussi chiant à reproduire. Depuis 1988, le groupe n'a plus rien produit, en tout cas rien en rapport avec le Docteur, et c'est bien dommage, parce que c'est vraiment le top du top de cette décennie. Barb Benedetti, quant à elle, a connu quelques seconds rôles au cinéma.
Wrath of Eukor Visions of Utomu Pentagon West Broken Doors
En 1985, 1988 et 1989, le groupe Ad-Lib Productions réalise les trois épisodes de la trilogie Labyrinth of the Blud Devils. Malheureusement, les vidéos sont aujourd'hui introuvables, donc je ne m'y attarderai pas. Toujours en 1985, Wet Paint Productions s'aventure, à priori pour la seule et unique fois, sur le terrain de Doctor Who, avec The Two Doctors and the Anti-Matter Menace.
On est de nouveau sur le ton de la parodie à deux sous, le troisième Docteur s'associant à son incarnation suivante, à Romana et à K-9 pour retrouver, sur ordre du Gardien Blanc, la clé du temps qu'a dérobé Omega, associé pour l'occasion à Davros et à ses Daleks. Rigolo malgré ses faibles moyens, cet épisode vaut surtout pour sa scène de course-poursuite tournée en accéléré, façon Benny Hill.
The Two Doctors and the Anti-Matter Menace
L'année suivante, un nouveau groupe du nom de MUM Productions fait ses grands débuts. Il produira huit aventures entre 1986 et 1997, mais hélas, il semblerait qu'aucune ne soit disponible à l'heure actuelle sur Internet... De 1987 à 2004, un autre groupe appelé Planet Film Productions sévira également dans le milieu, avec sept films à son actif, mais là encore, une bonne partie de ses oeuvres est introuvable. En tout cas, les deux réalisées dans les années 80 ont disparu de la Toile. On reparlera donc d'eux dans le prochain article.
En attendant, on termine cette décennie avec Attack of the Square Daleks, en 1989. Un objet filmique curieux, de sept minutes, durant lequel un gars déguisé en Docteur période Tom Baker et une petite fille (sa fille peut-être ?) incarnant Romana trainent un jouet à l'effigie de K-9 et se battent contre des Daleks cubiques, comme on pouvait s'y attendre vu le titre, mais aussi contre le Moine. Mal joué, d'une qualité déplorable, il donne vraiment l'impression d'avoir gâché de la pellicule.
Attack of the Square Daleks
Et c'est donc sur une mauvaise note que s'achève ce premier panorama. De manière générale, le manque de moyens et, soyons francs, le manque de talent, ne donneront pas matière à s'attarder trop longtemps sur ces productions. Qui plus est, bon nombre d'entre elles souffrent de la faible qualité, tant visuelle que sonore, des VHS sur lesquelles elles ont été enregistrées à l'origine. Intéressez-vous tout de même aux quatre opus de SIF si vous le pouvez, ils en valent la peine.
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