samedi 17 septembre 2016

Doctor Who série 1

diffusion initiale : du 26 mars au 18 juin 2005
nb d'épisodes : 13 répartis en dix aventures
DVD :

    > en VO, coffret The Complete First Series (contient les 13 épisodes)
    > en VF, coffret Saison 1 (contient aussi les 13 épisodes, mais c'est moins bien)


Docteur : Christopher Eccleston
Compagnons : Rose Tyler, Mickey Smith, Adam Mitchell et Jack Harkness


GUESS WHO'S BACK ? En 2005, après un peu plus de quinze ans d'absence sur un format régulier (autrement dit si on ne compte ni les épisodes spéciaux ni le téléfilm), Doctor Who fait son grand retour sur les petits écrans britanniques. Il s'agit à la fois d'une volonté réelle des pontes de la BBC, à ce moment-là très motivés, de voir la figure de proue de la S-F anglaise revenir dans leur grille, mais aussi et surtout du lobbying forcené d'un homme, d'un simple fan du Docteur qui a monté tout un plan pour le ramener à la vie.
Cet homme, c'est Stephen Russell Davies, qui se fait appeler Russell T. Davies dans sa vie professionnelle. Au service des productions pour enfants de la BBC depuis 1985, Davies devient scénariste au début des années 90. Pour le revival de Doctor Who, il tiendra ce poste sur huit des treize épisodes, ainsi que celui de producteur exécutif (au sens anglo-saxon du terme, qui diffère un peu de celui de la France). Pour la faire courte, il porte quasiment à bout de bras le programme, avec pour seul "supérieur" le producteur Phil Collinson.
Les autres scénaristes de cette saison sont également des fans. Le premier est Mark Gatiss. Je vous en ai pas mal parlé parce qu'il a réalisé plusieurs spin-off non-officiels précédemment (et il deviendra Mycroft Holmes dans la série Sherlock (oui, c'est un running gag)). On trouve ensuite Robert Shearman, puis surtout Paul Cornell, romancier d'assez grande envergure et scénariste de comics, y compris pour Marvel et DC. Quant au dernier de la bande, il s'agit de nul autre que Steven Moffat. Le gaillard est déjà à l'origine de l'épisode spécial The Curse of Fatal Death, dont je vous ai déjà causé, et il prendra peu à peu du galon au sein de la licence.
Maintenant que les présentations sont faites, que dire de cette réinvention ? Beaucoup de choses, et pas que des bonnes, loin s'en faut. Le Docteur, pour commencer. Avec son accent du nord (de l'Angleterre, mais ça fait à peu près le même effet que l'accent ch'ti en France) à couper au couteau et son physique particulier, dirons-nous, Christopher Eccleston aurait pu devenir un instant classic. Malheureusement, Davies a décidé d'en faire un personnage quelconque. Il est fringué casual, même si on le qualifiera de capitaine de U-Boat, et il n'a rien qui le distingue suffisamment pour passer à la postérité.
Sans verser dans la clownerie d'un Colin Baker, il aurait pu bénéficier d'un look un peu plus original, mais c'est une réelle volonté de la prod' d'en faire un personnage plus consensuel. C'est dommage, parce qu'il ne marque pas. Et pourtant, Eccleston joue bien. Il est capable de passer du rire aux larmes en une fraction de secondes, son visage très expressif rendant toute émotion immédiatement palpable sans qu'il n'ait de mot à prononcer, et il joue pas mal là dessus.


D'autant que son personnage est intéressant. Au fil de la saison, on comprend que depuis sa huitième incarnation, le Docteur en a vu de belles. Il a notamment participé à la dernière Guerre du Temps entre les Time Lords et les Daleks, et même s'il n'en révèle pas beaucoup, on sent que ça l'a marqué. Il est assez aigri, parfois colérique, le plus souvent sans pitié. Et derrière cette façade austère, on sent aussi la peine, la solitude qu'il étreint et qu'il tente de repousser (en se cherchant un nouveau Companion) à la fois.
Bref, c'est un personnage intéressant, que les auteurs poussent souvent dans ses retranchements. Il est parfois borderline au niveau du comportement, et c'est à mettre en contraste avec l'attitude de son Companion. Rose Tyler est interprêtée par Billie Piper, l'équivalent local de Vanessa Paradis. Enfant-star, la blondinette était déjà une vedette avant d'intégrer le cast de Doctor Who, avec à son actif une carrière en demi-teinte d'actrice, chanteuse et danseuse. Du reste, son recrutement est alors sujet à l'inquiétude de la part des fans de la première heure, comme celui de Bonnie Langford en son temps.
Et comme Bonnie Langford, la jolie damoiselle (à l'époque, parce que je viens de voir une photo récente et ça pique les yeux) va déjouer les pronostics en se révélant un atout-maître. Non seulement elle apporte une visibilité à la série au delà de la cible traditionnelle de fans de S-F middle-age, mais elle joue plutôt pas mal. Et pourtant, le premier contact avec elle est plutôt rude. Dans le premier épisode de la série, Rose, elle se vautre assez lamentablement. Mais on voit vite qu'elle n'est pas la seule, tout le monde ayant une grosse tendance au surjeu dans cette histoire.


C'est que cet épisode d'ouverture est tout simplement mauvais. Certes, il fait le lien avec l'ancienne série en remettant le pied à l'étrier aux Autons (et aux Nestenes), aussi impressionnants que lors de leur première apparition, trente-quatre ans plus tôt. Certes, il ramène le tournevis sonique dans l'univers de Doctor Who. Et certes, il reprend le légendaire thème d'ouverture dans une version moderne et malgré tout fidèle aux origines. Et puis on y découvre un nouveau TARDIS d'inspiration steampunk, tout droit tiré d'un roman de Jules Verne.
Ca fait beaucoup de bons points, et ce ne sont pas les seuls. On s'attardera notamment sur le rôle du Companion, désormais central dans le récit. C'était déjà un peu ce qu'avaient essayé de faire les producteurs de l'ancienne série avec Ace, mais il faut bien reconnaître que Rose est beaucoup plus ancrée dans la réalité, sans compter qu'elle a une famille qui prend de la place dans l'histoire. Et avec des épisodes de 45 minutes contre 25 pour l'ancienne série, la psychologie des personnages et les liens entre eux ont le temps d'être bien plus développés.
Ce qui ne nuit en rien au rythme effréné du récit, le Docteur et son assistante (ou plutôt ses assistants puisque Mickey, le petit ami de Rose, fait lui aussi un bref passage dans le TARDIS et deviendra un personnage semi-régulier) courant encore et toujours au devant du danger. Quand ce n'est pas le danger qui leur court après. Tant qu'on y est, signalons aussi qu'une bonne partie de cet épisode est tournée en extérieur, ce qui permet de profiter du cadre londonnien moderne, et que les effets spéciaux sont pour la plupart pas trop mauvais, même s'ils ont bien vieilli si on les regarde aujourd'hui.


Dis donc, mais ça fait quasiment que des qualités, tout ça ?! Oui mais voilà, il y a tout d'abord cet abominable surjeu qui rend les personnages comme Mickey ou Jackie, la mère de Rose, particulièrement antipathiques. Et au delà, on a l'impression, malgré tout ce que j'ai cité plus haut, de ne pas vraiment regarder Doctor Who. Ca ressemble éventuellement à "Benny Hill fait de la science-fiction", mais pas à ce qui a existé jusque-là. Forcément, pour nous autres Français, qui n'avons pas connu les épisodes classiques, cette analyse peut semble triviale, vu qu'on n'a pas de points de comparaison.
Et puis c'est un problème inhérent à tout reboot, d'autant qu'un gap de seize ans sépare les deux versions. Il fallait moderniser la série tout en conservant les spécificités du personnage et de son univers. Oui, c'est vrai, sauf... que ce n'est pas un reboot. C'est la suite, pas vraiment directe, de la franchise des années 60 à 80. Et si cette dernière a connu plusieurs visages (no pun intended comme on dit...) selon les équipes aux commandes, la nouvelle saga se devait d'en retrouver les fondamentaux, ce qu'elle ne parvient pas à faire.
En tout cas pas dans cet épisode d'ouverture. Les choses vont évoluer dès l'aventure suivante, qui se déroule dans une station spatiale, dans un lointain futur. Très orientée S-F, avec des tas de streums et une profusion d'effets spéciaux, cette histoire tournée uniquement en studio développe le côté secret d'un Docteur blessé (on y découvre que les Time Lords ont perdu la Guerre du Temps et que le Docteur est le dernier vivant), et Billie Piper est déjà bien plus convaincante dans son jeu.
C'est aussi un épisode qui se permet quelques réflexions sur l'avenir de notre planète, sur un ton un peu grinçant qui, pour le coup, correspond parfaitement à ce nouveau Docteur plus cynique que ses prédécesseurs. Et puis chose amusante, les épisodes de cette première saison sont tellement décorellés en terme d'ambiance que la prod' s'est crue obligée de mettre un résumé de l'épisode précédent pour ne pas perdre ses spectateurs en cours de route. C'est sûr que les nouveaux venus sont un peu perdus au début, souvenez-vous de vos premiers épisodes !


De fait, la suite se déroule dans l'Angleterre victorienne. Là pour le coup, on retrouve toute la magie des épisodes en costumes d'époque, grande spécialité de la BBC. C'est cet épisode qui est scénarisé par Mark Gatiss, et c'est la première fois que l'on y parle du Grand Méchant Loup, qui va devenir le fil rouge de cette saison. L'allusion est faite par une certaine Gwyneth, jouée par Eve Myles. L'actrice a visiblement fait bonne impression, puisqu'elle sera l'héroïne principale du spin-off Torchwood, dès l'année suivante !
Ensuite, on a droit au premier épisode en deux parties. C'est de nouveau Russell Davies au scénario, ça se passe de nouveau à Londres dans le présent, et ça verse de nouveau dans le ridicule avec pêle-mêle un cochon cosmonaute, des méchants extraterrestres qui passent leur temps à péter, un Docteur qui se prend sa première baffe par Jackie Tyler, ou encore les premiers pas de l'insupportable Harriet Jones, appelée à un grand destin quelques temps plus tard. On y mentionne vaguement UNIT, on y fait une petite dédicace à Blue Peter (l'émission pour enfants qui a toujours suivi Doctor Who), et on y joue toujours aussi mal.
A croire que c'est fait exprès... Les effets spéciaux sont pas foufous, en particulier les séquences sur fond vert, l'histoire du Méchant Loup est vaguement mentionnée à travers un simple graffiti sur le TARDIS... Bref, on a l'impression que les épisodes de Davies sont bâclés. A côté de ça, Dalek, le volet suivant scénarisé par Bob Shearman, impressionne malgré des effets spéciaux là encore pas top. D'abord parce qu'il marque, on s'en doute, le retour des poivrières à roulettes (ou plutôt de la poivrière, parce qu'il n'y a qu'un Dalek, comme le titre l'indique), mais pas que.
C'est surtout que les révélations y pleuvent concernant la guerre du temps. Là, on comprend que ce qui s'est passé en coulisses est d'une gravité sans nom. Et tout l'épisode gère les conséquences psychologiques de cette guerre, à la fois sur le héros qui est le dernier des Time Lords, mais aussi sur le Dalek qui est lui aussi l'ultime représentant de sa race. Les certitudes du Docteur sur sa Némésis vont à plusieurs reprises être bousculées par le comportement de ce Dalek, qui vole, certes (ça a été présenté comme une révolution alors que ça avait déjà été fait dans la série classique), mais surtout qui pense et qui s'émeut.


Curieusement, cette carcasse finit par transmettre des émotions au spectateur à travers le réticule de visée qui lui sert d'oeil ! Et son coup d'éclat final permet de comprendre, enfin, à quoi servent les petites sphères qui parcourent l'armure des Daleks ! Deux petites anecdotes sur cet épisode : on y voit un casque de Cyberman, alors que ces créatures n'apparaîtront pas de la saison. Et pour poursuivre avec le fil rouge, le pilote de l'hélico que l'on voit au début s'identifie en tant que Bad Wolf 1.
Davies revient aux manettes pour un épisode plutôt sympa, enfin, et qui met en scène quelques personnes dignes d'être signalés : Bruno Langley, qui joue le très éphémère (et de toute façon assez inutile) compagnon Adam Mitchell, et surtout l'inénarrable Simon "Shaun of the Fucking Dead !" Pegg dans le rôle du méchant. Critique ouverte des médias de masse, cette aventure sert, même si on ne le sait pas encore, de prologue au dyptique final de la saison.
Entretemps, on découvrira l'émouvant épisode signé Paul Cornell, qui joue admirablement sur les paradoxes temporels et bénéficie de très bons effets spéciaux, et les deux épisodes, eux aussi excellents, de Steven Moffat. Se déroulant durant la seconde guerre mondiale, il délivre une atmosphère angoissante, et surtout, il marque l'apparition du capitaine Jack Harkness, qui devient un Compagnon formidable. Hyper-sexué, cet agent temporel devenu bandit a la carrure d'un Han Solo, dont il s'inspire indubitablement. Enfin, on trouve un épisode de Davies (aïe !), qui voit déjà le retour des Slitheen (les extraterrestres péteurs du premier two parter, re-aïe !) et du Méchant Loup (écrit en gallois, aïe !)... Et pourtant, il s'agit d'un excellent opus, qui ménage quelques explications sur le TARDIS pour le néophyte, et qui surtout propose une réflexion intense sur les conséquences des actions du Docteur.
Cela faisait longtemps que la série ne s'était pas intéressée au sujet, et il est bon de le remettre en avant de temps en temps. A vrai dire, la saison aurait dû s'arrêter là. Hélas, il y a encore deux épisodes, qui vont donner une conclusion à la saga du Grand Méchant Loup. Débutant sur un futur télévisuel qui pastiche des émissions comme Big Brother (Loft Story), le Maillon Faible et What Not to Wear, le premier reprend les décors du septième épisode et se conclut sur un cliffhanger de folie, qui donne lieu à la première véritable punch line du Docteur, de celles qui vous filent des frissons quand il les prononce, vous voyez ce que je veux dire ?
Malheureusement, The Parting of the Ways, qui signe la conclusion, va venir tout gâcher. Pourtant, il s'agit d'un final spectaculaire, qui deviendra la marque de fabrique de la série pour les années à venir. Le truc qui vous asseoit sur le cul tout en vous faisant dresser les poils. Seul tout petit problème : on y bite rien ! Le final verse dans le délire métaphysique et Rose apparaît en mode bien vénère, deus ex machina d'une histoire mal construite (parce que sinon, elle n'aurait pas besoin de sortir un lapin de son chapeau pour trouver sa résolution) et anti-climax au possible.
Bilan en demi-teinte pour cette première saison, donc. Le néophyte (comme beaucoup de monde en France, c'est par cette saison que j'ai mis le pied à l'étrier) se laissera sans doute embarquer par cette S-F débridée, même s'il ne comprend pas tout. A revoir ces épisodes avec l'expérience de l'ancienne série, je pense que les fans de la première heure ont été plus mitigés. Certes, revoir le Docteur fait plaisir, mais il a beaucoup changé, et pas forcément en bien. Reste que cette saison fait passer à la postérité deux ou trois bricoles comme la proclamation des ombres, sorte de loi intergalactique énoncée dès l'épisode d'ouverture, ou le papier psychique, un gadget que le Docteur utilisera souvent et que l'on découvre dans l'épisode 2.

Concernant les DVD, la saison se trouve en intégrale des deux côtés de la Manche. Le coffret en VO contient cinq disques : les quatre premiers regroupent les épisodes en VO sous-titrée anglais plus des tas de bonus, tandis que le cinquième embarque tous les épisodes de la première saison de Doctor Who Confidential, une série de docs de dix-quinze minutes sur les coulisses du show. Le coffret VF, lui, ne contient que quatre disques, aucun bonus et pas de VOST. A vous de voir, moi j'ai choisi mon camp.

L'épisode que je vous conseille : Aliens of London. Le cochon qui court sur deux pattes et les monstres qui pètent, c'est trop pour moi.

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