diffusion originale : du 31 mars au 30 juin 2007
nb d'épisodes : 13 répartis en neuf aventures
DVD :
- > en VO, coffret The Complete Third Series (contient
les 13 épisodes)
> en VF, coffret Saison 3 (contient aussi les 13 épisodes, mais c'est moins bien)
Docteur : David Tennant
Compagnons : Martha Jones et Jack Harkness
GRIM 'N' GRITTY. Un changement de Companion, c'est l'occasion rêvée de changer d'ambiance. Peut-être pas aussi profondément que lorsque c'est le Docteur qui se régénère, mais tout de même suffisamment pour que l'on n'aie pas l'impression de voir toujours la même chose. D'autant qu'avec Torchwood qui se positionne sur un créneau plus "mature" et Sarah-Jane Adventures qui, au contraire, est plus destiné aux enfants, la franchise couvre un spectre assez large. Doctor Who peut donc se placer quelque part entre les deux, mais contrairement aux deux précédentes saisons, il va osciller plus souvent du côté obscur !
Six scénaristes viennent épauler Russell Davies, dont les habitués Steven Moffat et Paul Cornell. Gareth Roberts était déjà l'auteur de l'épisode interactif Attack of the Graske, tandis que Chris Chibnall est co-producteur et script-editor de Torchwood. Helen Raynor, enfin, est script-editor sur la série-mère, et Stephen Greenhorn est un petit nouveau, qui ne participera qu'une fois de plus à la saga, l'année suivante. Avec le patron, ces six-là vont s'attacher à rendre Doctor Who plus "dark".
Et ça commence par la nouvelle compagne du Docteur, Martha Jones. Comme Rose, Martha a une vie de famille compliquée. Elle a encore ses deux parents, mais ils sont séparés et passent leur temps à se chicaner quand ils se voient, en priorité à cause de la nouvelle copine de Mr Jones, une bimbo écervelée (pléonasme ?). Match nul entre les deux héroïnes, donc. Comme Rose aussi, Martha part avec le Docteur pour fuir cette réalité morose. Et comme Rose, Martha est une bombasse.
Mais à la différence de Rose, le Docteur n'en a absolument rien à foutre. Certes, il lui roule une pelle dès l'épisode d'ouverture, mais c'est une manoeuvre tactique et, là où l'on pouvait se poser des questions sur la nature même de la relation entre Rose et lui, ici il est limpide : il n'est pas intéressé. Le problème, c'est qu'en dépit de ce qu'elle affirme au début, Martha, elle, l'est. Elle tient donc le rôle de l'amante éconduite, mais aussi celui de la "rebound girl", autrement dit de celle qui sert à faire oublier une précédente relation, mais qui est sans cesse comparée, négativement, à celle qui l'a précédée.
Le show en jouera pas mal, notamment durant le troisième épisode, qui se passe à New New York. Le Docteur avait déjà amené Rose ici, et le cadre était magnifique, clinquant, même si cette débauche de strass n'était que poudre aux yeux. Là, Martha débarque dans le ghetto, un univers digne de Blade Runner, crasseux et désespéré. Et puis en plus de ça, Martha est métisse, et cela permet d'étudier, lors d'épisodes situés dans le passé, la notion de ségrégation. C'est d'autant plus intéressant que, contrairement à Rose qui n'avait pas fait de grandes études, Martha est en passe de devenir médecin.
En tout cas, Freema Agyeman donne d'entrée de jeu une explication sur sa présence dans Army of Ghosts (S2E12) : Adeola était sa cousine, qui travaillait pour Torchwood. Le Docteur, lui, est fidèle à lui-même, en dehors d'un nouveau costard de dandy cool. Il oscille toujours entre sérieux et déconne, et s'il a encore du mal à gérer la disparition de Rose, il finit par accepter Martha sans réserve. Dernier occupant du TARDIS, Jack Harkness fait son retour lors des trois derniers épisodes du show.
Il reprend son image de séducteur enthousiaste, tel qu'on l'avait découvert dans la première saison, et délaisse le pathos de son rôle dans Torchwood. Il est bien avec "son" Docteur, dont il trimballe la main coupée, mais il voudrait bien que ce dernier trouve une solution à son petit problème d'immortalité. Ce ne sera pas le cas, tout juste apprendra-t-il comment c'est arrivé. Et il finit par quitter l'équipage pour retourner à son rôle de chef, non sans avoir révélé, lors d'une sentence sans lendemain, une vérité fracassante sur la Face of Boe que l'on croise depuis le retour de la série.
La nouvelle part d'ombre de la série passe aussi par des méchants assez marquants. Dans Smith and Jones, on découvre certes un Plasmavore, pas vraiment marquant, mais surtout les Judoons, des rhinocéros humanoïdes qui servent de milice et qui prendront du galon durant la saison suivante. Dans l'épisode suivant apparaissent, pour la seule et unique fois, les Carrionites. Mais ce sont malgré tout des ennemis majeurs, dans le sens où, d'après le Docteur, ils viennent du temps avant la création de l'univers, ce qu'il appelle le Dark Time. Ils auraient été vaincus par les fameux Eternels, dont on ne sait toujours pas grand chose, si ce n'est qu'ils étaient probablement les gardiens de cette période obscure.
Gridlock voit revenir la Face of Boe et la novice Hame, mais surtout les Macras, des crabes gigantesques que l'on n'avait pas revus depuis... The Macra Terror (S4E7) en 1967 ! Les Daleks sont bien entendu de la partie eux aussi, et ce pour une aventure bipartite qui se déroule à New York durant la Grande Dépression, et ils ramènent avec eux les serviteurs-cochons que l'on avait découvert dans Aliens of London (S1E4), ici bien plus effrayants. Et en parlant d'effroi, que dire du monstre interprété par Mark Gatiss (Mycroft, Sherlock, toussa toussa) ? Probablement la bestiole digitale la plus réussie de toute la série.
La Famille de Sang, que l'on découvre dans les épisodes huit et neuf, représente également une menace efficace, surtout parce que les acteurs (au premier rang desquels Harry "Viserys Targaryen" Lloyd) sont bons. L'aventure suivante présente pour la première fois les Anges Pleureurs, imaginés par Steven Moffat et qui reviendront souvent durant son règne de showrunner (la fin laisse d'ailleurs présager une invasion). Mais le meilleur reste à venir, et ce sur les trois derniers volets de cette saison.
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Chose amusante, il mange des Jelly Babies comme Tom Baker en son temps. Mais surtout, son apparition se fait au compte-goutte et de manière plutôt maligne. Il a en fait un rapport direct avec Harold Saxon, un nom qui sert de fil rouge à cette saison, comme le Grand Méchant Loup ou Torchwood avant lui. On voit des affiches enjoignant à voter pour lui, on entend son nom à la radio, on découvre ses hommes de main, qui s'intéressent de très près à la famille de Martha...
Et avant qu'il ne redevienne celui qu'il était, il est connu en tant que professeur Yana. Or, YANA est un acronyme de You Are Not Alone, la dernière phrase que prononce la Face of Boe en tant que révélation finale. Mais tout cela, on ne le comprend qu'au dernier moment, et c'est ce qui rend ce retour aussi marquant. Davies et ses équipes nous ont habitués à ce mindfuck, qui pousse presque à tout revoir depuis le début pour comprendre après coup à côté de quoi on est passé. Et il pleut carrément des coups de théâtre dans Last of the Time Lords : qui sont les Toclafanes qui ont massacré la population terrienne ? Qu'a vraiment demandé le Docteur à Martha ? Que va devenir Jack Harkness ?
Cette saison est donc plus sombre que la précédente, mais pas uniquement à cause des ennemis. Elle montre un futur sâle et sans espoir dans Gridlock, qui critique aussi... les bouchons automobiles ? Difficile de comprendre le message que veut faire passer Davies dans cet opus, mais il reste très efficace. Désespoir aussi durant les deux derniers épisodes, avec un Docteur réduit à l'impuissance, un Harkness torturé et une Martha en exil... Même la classique histoire de base assiégée, dans 42, rend un sentiment d'urgence assez intense puisque l'action s'y déroule quasiment en temps réel.
Sans compter les épisodes en costumes d'époque, assez nombreux cette saison et rarement enjoués. L'Angleterre élizabethaine dans laquelle les héros croisent Shakespeare n'est pas franchement hygiénique et, surtout, soumise aux croyances payennes sur les sorcières ; la visite de New York se fait durant la Grande Dépression et montre le drame de ceux qui ont tout perdu (avec un peu trop de pathos, du reste, ce qui nuit un peu au message, encore tristement actuel) ; et l'école privée du début du XXe siècle dans laquelle s'est réfugié le Docteur affiche clairement la mentalité de l'époque, en matière de classes sociales, de couleur de peau ou d'esprit martial.
Heureusement, la série sait aussi relâcher la pression. L'humour est souvent de situation, mais il est aussi, parfois, référentiel, comme quand le Docteur se moque de Martha lorsqu'elle s'écrit "It's bigger on the inside !", ou quand les sorcières qui menaçaient Shakespeare sont chassées par un Expelliarmus ! Ce sont aussi, parfois, des références extradiégétiques : le Docteur qui regrette le bon vieux temps, où il aurait immédiatement inversé la polarité (ce qui représentait la solution à quasiment tous les maux dans l'ancienne série), qui affirme, lorsqu'il est humain, que ses parents s'appellent Verity et Sidney (en hommage aux créateurs de la série, Verity Lambert et Sydney Newman), ou qui réfute l'idée que le Maître soit son frère, clin d'oeil aux nombreux fans qui se sont enflammés sur cette possibilité à l'époque.
Très équilibrée, la saison trois est, au moment de sa diffusion, la plus réussie du lot. A mon sens en tout cas, mais comme c'est moi qui écris, ça compte plus que les autres avis éventuels. Smith and Jones, l'épisode d'ouverture, porte encore la marque un poil grand-guignolesque de certains épisodes de Davies durant les deux premières saisons, mais cela passera assez vite. Les shows en costume, comme The Shakespeare Code ou le diptyque Human Nature / The Family of Blood, sont de grande qualité, mais c'est une spécialité de la BBC.
Seul petit bémol concernant l'aventure bipartite, le schéma du personnage normal qui rêve d'un double héroïque (alors que c'est en fait ce héros qui se souvient fragmentairement ne pas toujours avoir été un simple humain), grand classique de la SF, est ici assez vite éventé par le comportement de Martha. C'est dommage, car l'excellent cast (qui comprend aussi Thomas Sangster, alias Newt dans Maze Runner) et la BO de folie complétaient une réalisation cinq étoiles. Mais dans le genre râté, c'est surtout l'histoire en deux parties des Daleks à Manhattan qui passe mal.
La faute à la fois à des effets spéciaux pas toujours au top, au contexte même de Daleks piégés dans le passé, qui fonctionne assez mal, mais aussi et surtout à des Daleks-Humains tout pourris. C'est la seule fausse note de cette saison, qui bénéficie globalement de bonnes CGI, en témoignent The Lazarus Experiment et 42 par exemple.
Mention spéciale à l'épisode Blink de Steven Moffat, tant pour ses monstres incroyablement flippants (alors que, paradoxalement, ils ne tuent réellement personne !) que pour ses moments dignes des meilleurs épisodes de la Twilight Zone. Le début, avec les messages aux murs, et le passage de dialogue par écran interposé sont de véritables petits bijoux.
Et puis il y la trilogie finale, qui aurait pu elle aussi figurer au panthéon, en vertu notamment de tout ce que j'ai évoqué plus haut : des acteurs de légende, le retour tant attendu d'un ennemi tout aussi mythique, un scénario qui met les héros au plus bas pour mieux les relever... Oui mais justement, c'est là que le bât blesse. Tout d'abord parce que l'on a du mal à comprendre le principe du vieillissement accéléré du Docteur, qui termine en espèce de clone de Gollum, comme si c'était le stadu ultime de vieillesse d'un Time Lord.
Mais surtout pour le deus ex machina final, qui consiste à ce que toute la planète pense au retour du Docteur pour qu'il "ressuscite", quelque part, en se présentant comme une figure christique, omnipotente et douée de compassion, qui balaie quasiment d'un revers de main toute une année qui avait mal tourné. C'est un peu too much, dirons-nous, et c'est dommage parce que ça gâche un peu le plaisir que l'on ressent sur l'ensemble.
Reste que ce trio d'épisodes est aussi marquant pour un dernier point (bon, sans compter le retour assez peu marquant de UNIT en tant qu'agence secrète américaine) : le départ de Martha Jones. Elle abandonne le navire à la fin de Last of the Time Lords, l'épisode le plus long de la série à ce moment-là avec un peu plus de cinquante minutes au compteur. C'est dommage parce que c'était un Companion efficace (et une petite bombe, ce qui ne gâche rien), mais elle n'a finalement trouvé sa place qu'un peu trop tard. Pour autant, elle n'a pas dit son dernier mot vis-à-vis de la franchise, comme on le découvrira durant les prochains articles.
Concernant les DVD, le constat est absolument le même que lors de la précédente saison. Le coffret VF (dans son premier pressage en tout cas, mais je sais qu'il existe une deuxième version) se contente de contenir les treize épisodes réguliers, le Special de Noël et pas grand-chose d'autre. Le coffret VO est bien plus complet, puisqu'il embarque aussi un grand nombre de documentaires, dont les Doctor Who Confidential, des docs de tournage certes beaucoup plus corporate que ce que l'on trouvait dans la série classique, mais néanmoins intéressants.
L'épisode que je vous conseille : Evolution of the Daleks. Et au milieu des cochons-ouvriers se tenait le gars avec un poulpe sur la tête...
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